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des douceurs et des caresses. On s’épuise en efforts d’esprit et en dépenses, et on s’étonne quand tout cela est inutile : c’est que tout cela est un contresens. Corriger importe sans doute, mais prévenir importe encore plus. Il faut déposer d’abord dans le cœur de l’enfant des semences de morale et de piété, pour les retrouver un jour et pouvoir les développer dans le sein de l’homme que de fatales circonstances amènent sous la main de la justice. L’éducation du peuple est le fondement nécessaire de tout bon régime des prisons. Les maisons de correction ne sont pas faites pour changer des monstres en hommes, mais pour rappeler à des hommes égarés les principes qu’on leur a enseignés et inculqués autrefois, et qu’eux-mêmes ont suivis et pratiqués quelque temps dans les asiles où s’est écoulée leur enfance, avant que la passion, la misère, le mauvais exemple et les hasards de la vie les eussent emportés hors des sentiers de la règle et de l’ordre. Corriger, c’est d’abord exciter le remords et réveiller la conscience ; mais comment ranimer une voix qui ne s’est jamais fait entendre ? comment rappeler un langage à qui ne l’a jamais su et n’a pas même eu à le désapprendre ? Si démontrer suppose des principes dont on convient, corriger suppose aussi une règle reconnue, une notion quelconque d’obligation et de devoir, un sentiment effacé, mais non pas détruit, du bien et du mal ; et quelques bonnes habitudes antérieures qu’il s’agit de faire revivre par un régime approprié, et de faire triompher peu à peu d’autres habitudes survenues plus tard au préjudice des premières. J’approuve donc et je bénis de tout mon cœur les écoles de correction, mais je les considère comme à peu près condamnées à demeurer infructueuses, tant qu’elles ne s’appuieront pas sur des écoles du peuple universellement répandues, obligatoirement suivies, et dans lesquelles l’instruction ne sera qu’un des moyens de l’éducation.

Pendant le peu de temps que je suis resté à Rotterdam, les journées étaient employées comme je viens de le dire, et je passais les soirées chez M. Delprat et chez M. de Mackay, à causer ensemble de tout ce que nous avions vu pendant le jour. Nous étions peu nombreux, cinq personnes seulement, tous amis passionnés de l’éducation du peuple, nous communiquant avec une entière confiance toutes nos réflexions, moi, surtout, interrogeant sans cesse la longue expérience de deux hommes d’école consommés,