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LA VALACHIE ET LA MOLDAVIE.

Il se peut que l’Autriche ne pense qu’avec de fortes inquiétudes à l’érection d’un royaume valaque ou slave aux portes de la Transylvanie, toute peuplée de Slaves, et surtout de Valaques[1] ; mais ses inquiétudes ne sont point aussi fondées qu’elles le paraissent au premier abord. Ces Valaques indigènes ne sont que des serfs disséminés dans la campagne : nous disons serfs, quoiqu’ils ne le soient pas précisément ; mais ils sont tellement accablés de redevances seigneuriales, que tout espoir de se faire une position par leurs labeurs, et de gagner une certaine consistance, leur est à jamais enlevée. Dans toute la Transylvanie, les propriétés foncières sont concentrées entre les mains des seigneurs hongrois, qui les font exploiter par les habitans valaques, qui sont les anciens indigènes. Il restait à ceux-ci un moyen, celui qui releva de la poussière les communes du moyen-âge : le commerce et l’industrie ; ce moyen leur fut ôté de bonne heure ; les villes furent exclusivement peuplées par des Saxons qui y apportèrent leurs talens et leur industrie. Ces populations sont tellement annihilées, que toute pensée d’un autre avenir a totalement disparu chez elles. Supposons, du reste, que dans cent ans, dans deux cents ans, les pressentimens de l’Autriche se réalisent, qu’elle se trouve un jour fortement inquiétée, ou même évincée dans ses possessions limitrophes. Met-elle en parallèle cet avenir incertain avec la cer-

  1. Pour expliquer l’origine de la soumission de cette partie de la population valaque à la puissance autrichienne, il faudrait entrer dans un exposé détaillé de faits historiques anciens, ce que nous ne ferons point, les quelques faits que nous avons mentionnés n’ayant pour but que de faire comprendre l’état politique actuel de ces provinces. Nous citerons cependant un passage extrait de l’Histoire abrégée des Traités, par Schœll, qui rend compte de la manière dont l’Autriche s’empara de la Bukovine. « Peu de temps, dit Schœll, après la signature de la paix de Kaïnardgi, l’Autriche profita de l’épuisement où se trouvait l’empire ottoman, de ses liaisons avec la Russie, pour faire une acquisition importante aux dépens de la Porte. Les Russes étaient maîtres de la Moldavie. Un district de cette province qu’on appelle la Bukovine ou la Forêt Rouge, et qui est situé entre la Gallicie et la Transylvanie, avait anciennement fait partie de cette principauté. Étienne V, prince de Moldavie, l’avait réunie à ses états. L’impératrice-reine ayant réclamé la Bukovine comme dépendance de la Hongrie, les Russes, qui venaient de conclure la paix avec les Turcs, mais qui n’avaient pas encore évacué leurs conquêtes, remirent ce district aux Autrichiens. La Porte, ne voulant pas se brouiller avec la cour de Vienne, le lui céda par trois conventions dont on ne connaît que les dates, qui sont : le 7 mai 1775, le 12 mai 1776, et le 25 février 1777. Grégoire Ghika, prince de Moldavie, ayant protesté contre cette cession, la Porte le fit mourir le 12 octobre 1777. Ainsi l’Autriche acquit, à l’ombre d’une négociation mystérieuse, un district ayant une surface de 178,000 carrés géographiques et une population de 132,000 ames. »