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LA VALACHIE ET LA MOLDAVIE.

ne put oublier les deux malheureuses provinces. Dans l’article 16 de ce traité, la Russie se ménageait déjà une lointaine mais active influence sur les deux provinces, et préparait cette scène où elle devait jouer un rôle, si souvent ingénieux, si puissant pour l’avenir. On y lit que : « La sublime Porte consent à ce que, suivant les circonstances, les ministres de la cour impériale de Russie puissent parler en faveur des deux principautés, et qu’elle promet d’avoir égard à ces représentations, conformément aux considérations amicales et aux égards que les puissances ont les unes pour les autres. »

En 1792, à la paix de Jassy, ces stipulations, qui d’ailleurs n’amélioraient pas le sort des Valaques, furent renouvelées ; la Russie demanda avec instance et obtint que les hospodars fussent désormais nommés pour sept ans au moins : disposition que la Porte mit souvent en oubli. En 1802, le ministère russe, à force de négociations, obtint une nouvelle convention, par laquelle la Porte s’engageait à ne point remplacer les hospodars avant le terme de sept années, à moins d’un délit dont le ministère de Russie reconnaîtrait la gravité.

Au mépris de cette convention, le prince Ypsilanti, hospodar de Valachie, et le prince Mourouzi, hospodar de Moldavie, furent révoqués. La Russie déclara la guerre à la Porte en 1806, fit occuper les deux provinces par ses armées, et ne les retira qu’en 1812, lorsque le traité de paix fut conclu à Bucharest.

Les malheureuses principautés, théâtre d’une guerre sans fin, placées entre l’enclume et le marteau, tour à tour inondées de troupes turques et russes qui les traitaient en pays conquis, souffraient horriblement. Pour les Russes, c’était un peuple à demi ottoman ; pour les Turcs, c’était un pays chrétien, suspect de connivence avec la Russie ; Gibelin aux Guelfes, et Guelfe aux Gibelins. La dernière campagne de 1828 le vit en proie à quatre fléaux à la fois : la famine, causée par les gigantesques approvisionnemens de l’armée russe ; la peste, que cette dernière avait importée de la Turquie ; une épizootie effroyable, et un hiver rigoureux. On se servait des malheureux paysans comme de bêtes de somme pour porter les fourrages et les munitions. Les uns traînaient ces pesans fardeaux à une distance de dix lieues ; d’autres, enlevés à leurs foyers, étaient transportés dans les plaines brû-