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se hasarder trop vite, et n’ont pris d’engagement qu’après avoir étudié et réfléchi.

Après les élections générales de 1834, ces hommes se trouvèrent entre deux partis. Deux idées extrêmes avaient jusque-là agité la chambre par de continuels tiraillemens : d’un côté, le principe de résistance outré des doctrinaires ; de l’autre, les théories aventureuses de la gauche ; là les regrets inutiles d’un ordre de choses qui ne doit plus revenir ; ici des espérances trop hâtives, des désirs prématurés. Il restait entre ces deux opinions si opposées une place vide, une place large et élevée, où les vrais intérêts du pays, les idées de progrès et d’avenir, le sentiment de notre nationalité, devaient avoir leurs représentans. Ces nouveaux députés prirent cette place, et en s’affranchissant également des vagues frayeurs de la doctrine et des ardeurs démocratiques de l’extrême gauche, ils constituèrent le parti vraiment national, le parti destiné à défendre ce qu’il y a de plus durable et de plus vivace dans la pensée d’un grand peuple. Toute cette fraction du centre gauche se forma peu à peu. Elle absorba bientôt le tiers-parti de l’ancienne législature ; elle rallia un grand nombre de députés de la gauche modérée et des autres côtés de la chambre. Et tous ceux qu’elle avait ainsi ralliés, elle les disciplina, elle les assujétit à une même pensée, à un même but. Elle fait chaque jour de nouvelles conquêtes ; elle s’appuie au dehors sur la grande majorité du corps électoral et sur toute la jeunesse éclairée.

La plupart des députés du centre gauche se distinguent par leurs connaissances spéciales. Dans les cas difficiles, dans les questions les plus épineuses, ils ont fait preuve d’une haute intelligence. C’est dans ce parti qu’on trouve des hommes d’administration, comme MM. Baude, Calmon, Humann, Passy ; des hommes laborieux et éclairés, comme MM. Hector d’Aunay, Ganneron, Étienne, Bérenger, Réalier-Dumas ; des hommes illustrés par leur longue et honorable carrière, comme M. Royer-Collard ; des hommes jeunes, forts, instruits, qui sont souvent appelés à faire partie des commissions, et qui s’y font remarquer par la netteté de leurs travaux, par la précision et l’étendue de leurs idées. Nous citerons parmi eux MM. Vivien, Félix Real, Malleville, Ducos, M. Mathieu de la Redorte, qui joint à des études profondes, à un tact politique rare, une belle position dans le monde ; M. le comte Roger, non moins distingué par la finesse et la vivacité de son esprit, et gendre du général Guilleminot ; M. Dubois de la Loire-Inférieure, dont le rapport sur l’instruction publique a fait, on peut le dire, époque à la chambre. Enfin ce parti peut vanter aussi ses orateurs. Il a produit dernièrement M. Dufaure, et il avait déjà M. Sauzet, M. Teste et M. Dupin aîné, ce penseur spirituel, cet humoriste grave qui échappe à toutes les combinaisons minis-