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hommes que le mérite. Il pressentit la religion du droit, et il adopta avec ardeur, pour le réaliser plus tard, le dogme nouveau de l’égalité sociale, qui était le christianisme politique du monde.

Les ouvrages qui le frappèrent d’abord le plus et qui convenaient le mieux à ses goûts, furent les ouvrages de métaphysique : « Aucun livre, dit-il lui-même, ne m’a procuré une satisfaction plus vive que ceux de Locke et de Condillac[1]. » La théorie du langage, la marche philosophique de l’esprit humain, les méthodes intellectuelles l’occupèrent alors fortement. Il pensa beaucoup, mais il n’écrivit rien. Il examina le système des économistes qui fondaient la richesse, non sur le travail de l’homme, mais sur les productions du sol. Il le trouva supérieur à la routine ancienne, mais il le regarda comme étroit et insuffisant. Il avait alors vingt-six ans. En 1775, il quitta Paris pour se rendre en Bretagne où il avait obtenu un canonicat. Peu de temps après, l’évêque de Chartres l’appela auprès de lui et le nomma successivement chanoine, vicaire-général et chancelier de son église. Facilement remarqué partout où il était, le clergé de Bretagne l’avait élu son député aux états de la province. Le diocèse de Chartres, à son tour, le choisit pour son conseiller-commissaire à la chambre supérieure du clergé de France. M. Sieyes prit part au gouvernement général d’un corps qui avait fourni à la monarchie de si habiles politiques, et qui devait donner quelques-uns de ses chefs les plus remarquables à la révolution. Il apprit alors la pratique des affaires, et de métaphysicien il devint politique et administrateur. Il partageait son temps entre ses fonctions et ses études. Il passait une partie de l’année à la campagne chez l’évêque de Chartres ; et c’est là qu’il se livra à de profondes méditations sur l’organisation de la société et le mécanisme du gouvernement. Il ne suivit ni l’école historique de Montesquieu, ni l’école logique de Rousseau. Il n’admit pas la constitution du passé, et repoussa la démocratie pure. Il préféra la démocratie représentative[2]. Il crut que cette forme politique

  1. Notice sur la vie de Sieyes, pag. 8. Paris, chez Muradat, 1794.
  2. « Le système du gouvernement représentatif est le seul qui soit digne d’un corps d’associés qui aiment la liberté, et pour dire plus vrai, c’est le seul gouvernement légitime. » (Plan de délibérations à prendre par les assemblées de bailliage, par M. Sieyes.) Ce système était le système monarchique. Il écrivit dans le Moniteur du 6 juillet 1791 les motifs de sa préférence. « Je le préfère, dit-il, parce qu’il m’est démontré qu’il y a plus de liberté pour le citoyen dans la monarchie que dans la république. »