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AUSONE ET SAINT PAULIN.

levé par les Vandales et emmené captif en Afrique, vint demander à Paulin de le racheter ; que le saint, qui avait épuisé toutes ses ressources, pour rendre à cette mère son fils, alla prendre sa place. Le fait est bien probablement apocryphe ; mais nous ne nous étonnerons pas si le seul fragment oratoire que nous ait laissé l’homme auquel on a pu prêter une pareille action est un fragment d’un sermon sur l’aumône.

Ce qui est à remarquer dans ce morceau, c’est son caractère de simplicité, de familiarité vulgaire, surtout au début. On sent que le discours dont il faisait partie était adressé à des paysans, à des hommes grossiers, auxquels il fallait accommoder et proportionner, pour ainsi dire, la parole chrétienne.

« Ce n’est pas pour rien, bien-aimés, qu’on place la crèche devant les bêtes de somme, elle n’est pas là seulement pour les yeux ; c’est une sorte de table à l’usage des animaux sans raison, que la raison de l’homme a préparée, pour que les quadrupèdes puissent prendre leur nourriture ; si ceux qui ont construit le ratelier négligent d’y mettre du fourrage, les animaux ne tarderont pas à être consumés par la faim ; s’ils ne mangent pas, la faim les mangera. Avertis par cet exemple, gardons-nous de négliger la table que Dieu a placée dans son église. »

Quel rapprochement ! Tout n’est pas sur ce ton, mais par cette concession faite tout d’abord aux habitudes rustiques de ses auditeurs, Paulin voulait captiver en commençant l’attention d’un auditoire napolitain, un peu matériel alors comme aujourd’hui. Cette faute de goût, j’en conviens, n’aurait pas été commise par un rhéteur, mais les rhéteurs parlaient pour les rhéteurs ; ils s’adressaient aux beaux esprits comme eux. Les orateurs chrétiens s’adressaient à tout le monde, et quand on s’adresse à tout le monde, on s’adresse surtout aux classes les plus nombreuses, aux classes qui forment la majorité du genre humain, c’est-à-dire aux classes simples et pauvres.

Le christianisme, en cela, obéissait à son principe, sorti du peuple, et il était naturel qu’il lui empruntât souvent les inspirations et les ressources de sa parole. La chaire chrétienne ne perdra jamais complètement ce caractère simple, familier, populaire, qui est dans son essence et dans son origine ; quelquefois même l’excès de cette tendance précipitera son langage dans une trivialité choquante. C’est ainsi que le moyen-âge verra naître ces singuliers sermons, mélange de