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LES CÉSARS.

iii.

CALIGULA.


Caïus César (car le nom de Caligula était un sobriquet qu’en son bon temps il eût été dangereux de lui donner) restait seul de la famille de Germanicus. Un rare talent pour se plier, une obséquiosité habile, quoique sans bornes, lui avait fait trouver grace. Ni la condamnation de sa mère, ni l’exil de ses frères, ne lui avait seulement arraché un cri de douleur. On a dit de lui qu’il n’y eut jamais ni meilleur serviteur, ni plus mauvais maître. Il sauvait, en s’annulant, sa dangereuse origine ; il apprenait le chant et la danse du théâtre, se passionnait pour le jeu, se déguisait, la nuit, en robe longue et en perruque, pour courir des rendez-vous amoureux, s’avilissait pour ne pas se perdre.

Cependant Tibère, sagace comme il était, l’avait pénétré ; il le voyait assister, par goût, aux supplices : c’est un serpent, disait-il, que je nourris pour le genre humain. Tibère le détestait, il eût bien voulu lui préférer son propre petit-fils, le jeune Tibère ; mais ce jeune homme était bien peu mûr. Il se contenta de l’associer à Caïus, communauté inégale où la part du lion allait être bientôt faite.

Malgré tant de mauvaises qualités, Caïus était aimé, il avait pour lui le peuple, il avait pour lui les soldats au milieu desquels s’était passée son enfance ; il était fils de Germanicus, et puis il succédait à Tibère. À peine était-il en marche pour conduire les funérailles du vieux César, qu’au milieu des autels, des victimes, des flambeaux, des habits de deuil, la joie du peuple éclata autour de lui, l’appelant son petit, son garçon, son cher petit poulet ; je ne puis pas traduire autrement. Arrivé à Rome, il fit l’éloge de Tibère, sans presque en