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qui, dans les soirs d’hiver, ressemblent à des taches de sang. Pour qu’un d’entre eux cédât, il fallait qu’il fût attaqué par sept hommes à la fois ; encore devait-il se retirer en luttant toujours, car il ne lui était pas permis de tourner le dos. C’était là une de leurs lois ; mais il y en avait une autre plus difficile à suivre : c’est que nul d’entre eux ne pouvait parler d’amour à une jeune fille, avant que Charles ne se fût choisi une fiancée. Nul d’entre eux ne devait savoir comment l’azur se reflète dans deux yeux bleus, comment deux lèvres roses sourient, comment un sein de vierge palpite, car ils étaient tous fiancés à leur épée. »

Axel part avec joie, fier de remplir la mission qui lui était confiée, de braver les périls pour montrer son zèle à son roi. Le long de la route, il est attaqué par un détachement d’ennemis ; il s’appuie contre un arbre et combat jusqu’à la dernière extrémité. Mais il est seul, et ses adversaires sont en trop grand nombre. Après une lutte héroïque, il tombe couvert de blessures, baigné dans son sang. Une jeune fille, qui courait à la chasse sur un cheval fougueux, l’aperçoit, trouve en lui un reste de vie et le fait porter dans sa demeure. Là elle panse elle-même ses blessures, là elle interroge ses besoins et ses souffrances, elle le veille et le guérit. Quand Axel commence à recouvrer l’usage de ses sens, le premier objet qu’il aperçoit, c’est cette jeune fille penchée sur lui avec un regard d’amour et de compassion. « Ce n’était pas une de ces beautés d’idylle qui s’en vont éternellement dans les bois soupirer et contrefaire la douleur ; ce n’était pas une de ces beautés avec des cheveux blonds comme le soleil, des joues comme la violette, et des yeux comme le Vergissmeinnicht. C’était une fille de l’Orient. Ses cheveux noirs ressemblaient au voile de la nuit entourant un jardin de roses. La gaieté, la noblesse du cœur, brillaient sur son front, comme jadis le signe de la victoire sur le bouclier des Valkyries ; son teint était frais comme l’aurore avec ses rayons de lumière. Légère comme une Oréade, elle avait la démarche gracieuse et dansante. On voyait, comme les vagues, se balancer son sein plein de jeunesse et de santé, corps de lis et de roses, âme de feu, ciel d’été, ciel d’Orient inondé du parfum des fleurs et des rayons de soleil. Une lumière divine et un feu ardent luttaient dans ses yeux noirs. Quelquefois elle avait le regard orgueilleux de l’aigle de Jupiter planant dans les airs, et puis le regard de la colombe attelée au char d’Aphrodite. »

Peu à peu les forces d’Axel se rétablissent. Il sort appuyé sur le bras de sa bienfaitrice. Il erre avec elle le matin dans la forêt, le