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AUSONE ET SAINT PAULIN.

évêques d’Afrique, un autre vers saint Jérôme en Palestine. Il écrivait à saint Vitricus, évêque de Rouen. Un ami commun lui apportait des nouvelles de Sulpice Sévère, qui était resté en Aquitaine. L’illustre veuve Mélanie le visitait à son retour de Jérusalem. C’était surtout saint Jérôme que l’on consultait de toutes les parties de la chrétienté, et non-seulement les autres évêques comme Paolin, mais les laïques, mais les grandes dames de Rome ou de la Gaule, quand un passage de la Bible les embarrassait, ne manquaient pas de dépêcher vers saint Jérôme, près de Bethléem, pour lui demander l’explication du passage, et saint Jérôme répondait[1]. Il était le grand oracle du désert, l’oracle d’Ammon du christianisme.

Saint Paulin n’avait pas une connaissance très approfondie du dogme[2] : ainsi que tant d’autres, il sortait de la rhétorique païenne ; mais, avec une sagesse que n’eut pas Lactance, il évita d’écrire sur le dogme. Lui aussi s’adressait à saint Jérôme pour s’éclairer sur les difficultés de la religion ; il entretenait avec saint Augustin un commerce de lettres fort assidu. Saint Augustin était ravi des épîtres de l’évêque de Nola, et ses louanges, quoique plus sincères que celles des rhéteurs, ne sont guère moins exagérées. Les vertus du saint relevaient probablement, aux yeux de l’évêque d’Hippone, le mérite de l’écrivain, quand il lui disait : « Tes lettres sont-elles plutôt douces ou plutôt ardentes, plutôt lumineuses ou plutôt fécondes ; comment se fait-il qu’elles soient tout à la fois des torrens de pluie et un ciel serein ? » En lisant ces hyperboles et ces métaphores admiratives, on se souvient que saint Augustin avait été professeur de rhétorique.

La plus curieuse de ces lettres de Paulin, trop vantées par saint Augustin, est celle qu’il adresse à Jovius. Ce Jovius représente une classe d’hommes qui devait être alors assez nombreuse. C’étaient ceux qui inclinaient au christianisme sans l’embrasser, qui en approuvaient en général la doctrine et l’esprit, mais qui n’en adoptaient pas tous les principes.

Après avoir combattu quelques opinions philosophiques de Jovius, qui tenait encore pour le fatalisme antique et résistait à la notion

  1. Une grande dame de la Gaule lui envoya douze questions. La première était pour lui demander les moyens d’arriver à la perfection. J’ai oublié les autres.
  2. L’opinion la plus hérétique que l’on puisse reprocher à Paulin fait honneur à la tendresse de son cœur. Selon lui, tout chrétien, tout homme marqué du sceau du baptême, après un temps d’expiation plus ou moins long, sera sauvé. Il n’aura point en partage la gloire des saints ; mais il aura la vie éternelle : Vitam tenebit non gloriam, compromis touchant entre la rigueur du dogme et les souhaits de la charité.