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POÈTES ET ROMANCIERS DU NORD.

sa réputation, la Première Communion (Nattwards Barnen) et Axel. La Première Communion est une idylle d’où s’exhale le parfum d’un encens religieux, une idylle où il n’y a ni bergers, ni bergères, point de ruisseau qui murmure un nom chéri, et point d’arbres ornés de chiffres d’amour. Le tableau d’une église champêtre, la piété d’un groupe d’enfans, les exhortations paternelles d’un vieux prêtre, voilà tout le poème. M. Sainte-Beuve l’a cité avec raison en parlant de Jocelyn[1], car c’est un épisode solennel de la vie du prêtre, et Tegner l’a écrit après avoir reçu la consécration. Le commencement de cette idylle est une charmante description d’une fête religieuse dans un village.

« La Pentecôte, ce ravissant jour de fête, est revenue. L’église du village, avec ses murailles blanches, brille aux rayons du matin. Au sommet de la tour, orné d’un coq de métal, les douces clartés d’un soleil de printemps apparaissent comme autrefois les langues de feu des apôtres. Le ciel est bleu et clair, le mois de mai a pris sa couronne de roses et revêtu sa parure solennelle. Le vent et les ruisseaux semblent, dans leur joyeux murmure, annoncer la paix de Dieu. Les fleurs soupirent aussi avec leurs lèvres roses, et, sur les branches d’arbres flexibles, les oiseaux chantent un hymne au Très-Haut. Le cimetière est nettoyé et propre. La porte par laquelle on y entre ressemble à un berceau de verdure, et sur chaque tombe, sur chaque croix de fer, on aperçoit une couronne embaumée, dernier don d’une main amie. On a même orné de fleurs le cadran solaire qui s’élève là entre les morts depuis plus de cent ans. De même que l’aïeul est l’oracle du village et de la famille, et reçoit au jour anniversaire de sa naissance l’offrande de ses enfans et de ses petits-enfans, de même le vieux cadran, le vieux prophète, avec sa muette aiguille de fer, indique sur sa table de marbre le cours des temps, tandis qu’une éternité silencieuse repose à ses pieds. Au dedans l’église est ornée avec soin, car c’est le jour où les enfans, espoir de leur famille et favoris du ciel, doivent renouveler au pied de l’autel les promesses de leur baptême. Chaque coin a été visité, frotté, et on ne voit pas trace de poussière, ni sur les murailles, ni à la voûte, ni sur les bancs peints à l’huile. L’église est comme un parterre de fleurs. Des touffes de feuillage ornent les piliers, des buissons de verdure apparaissent de toutes parts, et la chaire de chêne a reverdi, comme autrefois la verge d’Aaron. La Bible repose sur une couche de feuilles, et le

  1. Revue des Deux Mondes, 1836.