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cienne. Un de ses poèmes a conservé la description de l’édifice qu’il élevait, description importante pour l’histoire de l’architecture. En ce qui nous concerne, nous remarquerons la présence et l’emploi des images dans l’église de Nola, elle est incontestable. Bientôt ces images donneront lieu à une grande querelle, la querelle des iconoclastes, où figurera Charlemagne ; au temps de saint Paulin, pour lui, du moins, la question était résolue en faveur des images, car il nous apprend qu’il avait fait peindre des sujets de l’Ancien Testament sur les murs de sa basilique, afin que les paysans qui avaient conservé des mœurs païennes la coutume de célébrer, dans des banquets assez scandaleux, la mémoire des martyrs sur leur tombe, fussent détournés de ces usages grossiers par le spectacle des peintures tracées sur les murailles. Il s’applaudit d’avoir réussi à tel point, que ces paysans oublient l’heure de leurs repas pour considérer, avec une curieuse attention, les représentations sacrées. Ceci rappelle avec quel plaisir, avec quel sentiment naïf et passionné de l’art les hommes du peuple, en Italie, contemplent, durant de longues heures, les tableaux des églises. Enfin, quand les Goths ont été battus, Paulin en rend grace à saint Félix. Le reste de sa vie s’écoula paisiblement à Nola, dont il avait été nommé évêque en 409. Dix ans après, il parut au concile de Ravenne, et il mourut en 431, pleuré, disent ses biographes, par les chrétiens, les juifs et les païens.

Cet intervalle et tout le temps que Paulin passa à Nola est rempli par des communications perpétuelles avec les grands hommes de l’église, avec saint Ambroise, saint Jérôme, saint Augustin. La situation de Paulin le plaçait comme un intermédiaire entre Milan et l’Afrique, et par la mer il pouvait entrer facilement en rapport avec saint Jérôme dans son désert de Bethléem. Saint Paulin offre un modèle précieux de ces relations étendues, de ces communications perpétuelles entre les écrivains chrétiens dispersés sur toute la surface du monde, qui succédaient avec avantage aux communications littéraires établies entre les rhéteurs. Je dis avec avantage, car ici on n’échangeait pas seulement des complimens et des vers, mais on échangeait des idées, des conseils sur la vie, des éclaircissemens sur la religion ; c’était une correspondance sérieuse, entretenue avec une incroyable activité[1]. Saint Paulin envoyait un serviteur saluer les

  1. On s’envoyait aussi des livres. C’est ainsi que les ouvrages des pères se répandaient dans l’église. Saint Augustin envoyait à saint Paulin son Traité sur le libre arbitre, et lui demandait un ouvrage de saint Ambroise.