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qu’étranger, au sein de votre Académie, présenté en ce moment, installé dans cette chaire avec des paroles d’une si flatteuse obligeance par M. le recteur même de cette Académie, c’est, avant tout, pour moi un besoin autant qu’un devoir d’exprimer publiquement ma respectueuse gratitude, et de dire combien je me sens touché d’un honneur dont mon zèle du moins s’efforcera d’être digne. Le sujet qu’on a bien voulu agréer pour la matière de ce cours, et que des études, des prédilections, déjà anciennes, suggéraient à mon choix, est singulièrement fait pour soutenir ce zèle et pour l’avertir d’apporter tout ce qu’il pourra de lumières. La littérature française se trouvant de tout temps si bien représentée auprès de vous par un homme d’un esprit, d’un sens aussi droit et ferme qu’élevé[1], ce ne pouvait être d’ailleurs que par un coin plus spécial, et comme exceptionnel, qu’il y avait lieu de songer, pour mon compte, à l’aborder aujourd’hui : j’ai choisi à cet effet Port-Royal. Port-Royal pourtant, messieurs, est un grand sujet. Ce qu’il a de particulier en apparence et de réellement circonscrit ne l’empêche pas de tenir à tout son siècle, de le traverser dans toute sa durée, de le presser dans tous ses momens, de le vouloir envahir sans relâche, de le modifier du moins, de le caractériser et de l’illustrer toujours. Ce cloître d’abord rétréci, sous les arceaux duquel nous nous engagerons, va jusqu’au bout du grand règne qu’il a devancé, y donne à demi ou en plein à chaque instant, et l’éclaire de son désert par des jours profonds et imprévus. Comment la réforme d’un seul couvent de filles, et dans le voisinage de ce couvent, la société de quelques pieux solitaires, purent-elles acquérir cette importance et cette étendue de position, d’action ? C’est ce que ces réunions, messieurs, auront pour objet de développer sous bien des aspects et d’éclaircir.

Au commencement du xviie siècle, l’église, — l’église catholique, — était dans un état de danger et de relâchement qui exigeait sur tous les points une réparation active ; le xvie en effet, avait été pour elle un désastre. Quoiqu’en remontant de près aux différens âges de la société chrétienne, on y retrouve presque les mêmes plaintes sur la décadence du bien et l’envahissement du désordre, quoiqu’à vrai dire, il en soit des meilleurs siècles chrétiens comme des plus saintes ames, qui néanmoins luttent encore, contiennent en elles le mal, et sont sans relâche aux prises avec lui, le xvie siècle se détachait

  1. M. Monnard, connu en France par son ancienne collaboration au Globe ; par sa traduction récente de l’Histoire de la Suisse de Jean de Muller, histoire qu’il continuera avec M. Vulliemin ; et, politiquement, l’un des plus honorables citoyens de la Suisse.