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tions, comme sa vie ; elle doit vivre et se souvenir à jamais ; elle ne peut pas plus oublier que mourir[1]. »

Voilà ce que l’inspiration du spiritualisme chrétien faisait dire à un poète naturellement assez médiocre. Par elle, Paulin arrivait à proclamer ainsi l’immortalité de l’ame et l’immortalité de l’amour. Ces beaux accens terminent noblement cette piquante controverse entre deux hommes distingués, unis d’abord par l’amitié et les lettres, séparés ensuite par les opinions et la destinée, mais se tenant toujours par le cœur et s’aimant encore quand ils ne s’entendaient plus.

Le vœu secret de saint Paulin était de se retirer près d’un tombeau qu’il s’était choisi pour y abriter le reste de ses jours. Il avait une dévotion particulière à un saint napolitain, saint Félix, dont la sépulture était près de Nola. Qui avait suggéré ce choix à saint Paulin ? On sait qu’il avait des terres près de Fondi, sur la route de Naples ; peut-être, dans quelque séjour qu’il y avait fait, avait-il entendu parler du saint de Nola ; car saint Félix paraît avoir joui d’une grande célébrité et avoir devancé, dans l’imagination vive et crédule des Napolitains, le célèbre saint Janvier.

Avant de quitter l’Espagne, Paulin fut fait prêtre aux acclamations du peuple. Il se défendait d’accepter cet honneur, d’abord par un sentiment d’humilité, et aussi pour ne mettre aucun obstacle entre lui et le tombeau de saint Félix ; il ne consentit même à recevoir la prêtrise que sous la condition de n’être attaché à aucune église, ce qui était alors assez rare. Il y en avait pourtant des exemples ; témoin saint Jérôme. Paulin partit pour Nola, se confiant à la protection de saint Félix, au milieu des dangers de la guerre que se faisaient l’empereur Théodose et le tyran Eugène. Eugène était un rhéteur, que le Franc Arbogaste avait affublé du manteau impérial. À cette époque, les rhéteurs sont partout, même sur le trône.

Paulin vit saint Ambroise à Florence. À Rome, une grande foule de prêtres, de moines, de peuple, se pressa autour de l’illustre converti. L’évêque Siricius fut assez mécontent de cette affluence. Saint Paulin se plaint légèrement, dans une de ses lettres[2], de l’humeur que ce triomphe d’un étranger fit éprouver au pape, déjà indisposé par l’ordination un peu irrégulière de Paulin. Enfin, arrivé à Nola, au lieu où tendaient depuis long-temps tous ses désirs, il établit

  1. Et ut mori sic oblivisci non capit
    Perenne vivax et memor.

  2. Ép. v, no 14.