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ressaisir le pouvoir à la faveur des divisions de ses adversaires. Ce qu’il prend volontiers pour une réaction du peuple anglais vers lui, n’est que le désir de s’arrêter quelque temps sur le terrain conquis par la réforme, en demeurant sous la bannière des chefs qui ont accompli la conquête, c’est-à-dire qu’en ce moment le peuple anglais considère certainement la réforme comme une mesure définitive pour de longues années, et c’est là qu’est la force du ministère ; mais le peuple anglais veut en même temps une entière sécurité pour la conservation de ce qui lui est acquis, et avec sir R. Peel pour premier ministre, il ne croirait pas l’avoir.

Pendant que la reine d’Angleterre ouvrait son parlement, la reine régente d’Espagne ouvrait aussi la nouvelle législature espagnole, formée d’après la constitution de 1837 et composée de deux chambres. Son ministère lui a fait tenir, en cette occasion, un langage raisonnable, conciliant et modeste, qui répond bien à la situation des choses et au caractère des derniers évènemens. Pas d’exagération dans les promesses, plus de sincérité dans les aveux et moins de jactance que de coutume, de bonnes intentions et des vues libérales sans charlatanisme, une juste confiance dans l’avenir, des expressions convenables sur le différend avec la Sardaigne et sur les rapports avec les puissances qui n’ont pas reconnu la reine Isabelle II, justice entière rendue à la France et à l’Angleterre pour l’exécution du traité de la quadruple alliance, tels sont les principaux traits qui distinguent ce discours. Le ministère s’y est complètement effacé, bien que ses efforts aient eu autant de succès que le comportaient les circonstances, et qu’ils aient au moins arrêté la dissolution universelle dont semblaient menacés tous les élémens de la force sociale.

Quelques esprits faciles à effrayer craignent que les deux chambres soutenues par la reine, le général Espartero et le baron de Meer, ne se laissent entraîner par les modérés, qui s’y trouvent en grand nombre, dans une réaction violente contre les personnes et les choses de ces deux dernières années. On évoque le fantôme du statut royal ; on prête aux hommes d’état qui ont gouverné l’Espagne sous son empire, des ressentimens et des pensées de vengeances qui se préparent à éclater dès que le pouvoir sera revenu entre leurs mains, et les sanglantes exécutions de Miranda et de Pampelune sont citées comme le prélude de ce mouvement réactionnaire. Nous croyons ces craintes mal fondées. Le parti qu’on a voulu flétrir et rendre odieux en lui donnant le nom d’estatutiste, ce parti modéré qui réunit le plus de talens, d’élévation et de lumières, ne songe pas à revenir sur le passé : il a pleinement accepté la constitution de 1837, qui réalise, à peu de chose près, ses désirs et ses vues, et dont la première application a eu pour résultat de lui rendre son influence légitime dans le gouvernement de sa patrie. Les mesures adoptées par le comte de Luchana pour rétablir et venger, par d’éclatans exemples, la discipline des armées espagnoles, sont sévères ; mais la politique n’y est pour rien, et le châtiment, quelque rigoureux qu’il soit, d’assassinats horribles, n’est pas plus de la réaction