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principes de liberté plus large, et à leurs prétentions de réformes plus incisives. En un mot, le ministère voulait ajourner le combat, et ne pas introduire des divisions prématurées dans le faisceau de la majorité, assez faible, sur laquelle il lui était permis de compter. Ce calcul n’a pas réussi, et dès le premier jour l’impatience de M. Wakley a fait éclater entre les whigs et les radicaux une scission devenue inévitable depuis la mort de Guillaume IV. La position du ministère whig est, en effet, bien changée depuis cette époque. Sous le feu roi, il avait contre lui la cour, et même un peu le souverain, qui s’en était, un beau jour, très lestement débarrassé, et qui le subissait avec résignation plutôt qu’il ne lui donnait sa confiance. Maintenant, au contraire, la reine, sa cour, toutes les influences de choix ou de situation qui l’environnent, sont favorables à lord Melbourne et à ses collègues ; ils ne soupçonnent pas de conspiration permanente, organisée et soutenue de haut contre leur existence ministérielle. Une confiance et une harmonie parfaites caractérisent toutes leurs relations avec le souverain, et les effets de cette faveur s’étendent fort loin jusque dans les rangs de la société tory, attachée à la royauté par principe et par habitude. Plus fort du côté de la cour, le ministère l’est donc aussi du côté de la chambre des communes, où il a moins besoin de l’appui des radicaux, certain de retrouver parmi les représentans des comtés et de l’intérêt agricole autant de voix qu’il en perdra sur les bancs de M. Hume, de M. Leader, de sir W. Molesworth, et des autres notabilités du parti radical.

C’est dans cette position nouvelle qu’un amendement très ambitieux de M. Wakley a trouvé le ministère Melbourne. Il s’agissait d’introduire dans l’adresse un paragraphe par lequel la chambre des communes aurait formellement demandé l’extension du droit électoral, le vote au scrutin secret, ce fameux vote by ballot, qui a fait les frais de tant d’immenses discours dans les innombrables banquets politiques de cette année, et enfin le rappel de l’acte septennal pour fixer désormais à trois ans la durée légale des parlemens. M. Wakley avait aussi parlé, dans son discours, de l’abolition des lois sur les céréales, question des villes manufacturières contre les campagnes, qui suffit à elle seule pour expliquer comment les candidats conservateurs ont triomphé dans la grande majorité des comtés d’Angleterre ; mais son amendement ne contenait rien à ce sujet : c’eût été trop, même à ses yeux, de provoquer du même coup une révolution politique et une révolution économique. Il s’en est tenu à la première, qui a suffi pour faire éclater l’orage.

Le parti radical ayant ainsi jeté le gant, lord John Russell l’a relevé au nom du ministère et de tout le parti whig. On demandait à grands cris une nouvelle extension du droit électoral, c’est-à-dire une réforme du bill de réforme ; on déclarait que le système actuel de la représentation était un véritable fléau pour le peuple ; que cette représentation était d’ailleurs un mensonge, et que le peuple était plus soumis que jamais à l’influence corruptrice de l’aristocratie de naissance et de l’aristocratie d’argent. Lord John Russell a répondu,