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dissement, se brisa, et qu’un premier flot de granit fondu, débordant au travers de la fente, éleva avec lui, du sein des eaux, la chaîne entière, du point où est Bayonne à celui où est Perpignan. Voilà pourquoi aujourd’hui le centre des Pyrénées se compose habituellement de roches granitiques, sur lesquelles reposent, tordues, contournées, ployées en tous sens, les couches des autres terrains calcaires ou schisteux.

Après le granit est apparu dans les Pyrénées un nouvel agent, souterrain et embrasé, de révolution ; c’est celui qui s’y montre au jour, çà et là, sous forme de roches dures et tenaces, presque toujours sonores sous le marteau, cristallines et de couleur verte. Les géologues en distinguent deux variétés, appelées, la plus abondante, diorite ou ophite, l’autre Lherzolite ; tous les beaux galets verts dont le lit des gaves (rivières) est parsemé, sont des fragmens roulés de diorite ; l’une et l’autre ont agi sur une bien moindre échelle et avec bien moins d’énergie que le granit ; et cependant je tiens à vous en parler, car la diorite et la Lherzolite, tout en fracassant la contrée, alors que l’homme n’existait pas, semblaient avoir pour mission de semer autour d’elles des trésors que nous devions exploiter un jour. La Lherzolite était accompagnée de mines de fer, qu’on trouve aujourd’hui distribuées en filons, en nids, en amas, à peu de distance des mamelons épars qu’elle compose. La diorite est elle-même fidèlement escortée, mais toujours aussi à une certaine distance, par des minerais de plomb ; elle a d’autres satellites, plus fidèles encore et plus précieux pour l’homme : c’est le plâtre, ce sont les argiles imprégnées de sel, d’où sortent maintenant des sources salées, et sous lesquelles, si l’on cherchait bien, on découvrirait peut-être des bancs de sel gemme. Au reste, si la révolution qui donna issue à la diorite et à la Lherzolite fut providentiellement signalée par des dons anticipés en faveur du genre humain, qui était encore à venir, celle du granit n’avait pas non plus été stérile ; car, dans les Pyrénées, il est à remarquer que les sources sulfureuses dont ces montagnes sont si admirablement dotées, se rencontrent toujours auprès de la séparation du granit et des autres terrains au travers desquels il s’est fait jour. Ainsi, ce que nous serions tentés de prendre pour des bouleversemens de notre planète, n’a vraiment été un cataclysme que pour les Ichtyosaures et les Plésiosaures, pour le Palœothérium et l’Anaplothérium, ou, en termes plus humains, pour les reptiles, les dragons, les chimères et autres monstres qui régnaient alors sur la terre ; ainsi que pour les térébratules, les belemnites, et l’innombrable popu-