Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/611

Cette page a été validée par deux contributeurs.
607
DE L’ART RELIGIEUX EN FRANCE.

le droit de cité dans l’art ! Voilà les aristarques à qui nous reconnaîtrions le droit de former nos idées sur le beau ! Ce n’est pas tout : après qu’ils ont ruiné, autant qu’il dépend d’eux, la pratique du vrai beau, il nous faut subir leurs théories, apprécier tout ce qu’elles renferment de pur, de satisfaisant et de fécond, tout ce qu’elles promettent de gloire et d’originalité à l’avenir de l’art en France. Il faut entendre les uns proclamer et appeler de tous leurs vœux une réaction plus ou moins effrontée en faveur des nudités, l’apothéose de la chair, le retour aux classiques turpitudes de la mythologie ; ils nous trouvent déjà trop loin des saletés de Boucher et de Vanloo, des solennelles nudités de l’empire : on dirait qu’il n’y a plus assez de barons à l’Académie pour les servir à leur gré. Les autres, avec une outrecuidance despotique, s’indignent que nous ne restions pas cloués au xvie siècle ; ils veulent bien reconnaître que les Grecs et les Romains ne sont plus de mise, mais le paganisme de la renaissance, mitigé par la civilisation italienne, travesti à l’usage de ces tyranneaux d’Italie, les plus corrompus et les plus sacriléges qu’on vit jamais ; voilà le beau idéal, qu’il n’est pas donné au génie chrétien, au génie national, de dépasser ! Mais, quels que soient leurs dissentimens intérieurs, leurs différens degrés de pudeur et de science, on peut être sûr qu’ils se trouveront tous d’accord pour combattre en bataille rangée contre ceux qui chercheront à ramener dans l’art religieux l’esprit chrétien, dont ils ont décrété unanimement la mort et la sépulture, au sein des vieilleries des temps barbares. Eh bien ! on peut le leur prédire hardiment, leur arrêt sera cassé ; malgré leur union et leur acharnement, ils seront débordés ; l’instinct de la jeunesse ne se laissera pas égarer ; les idées marcheront, et un beau jour ces arbitres redoutables se réveilleront tout seuls sur leur tribunal abandonné. J’en prends à témoins, et le nombre toujours croissant de jeunes gens qui bravent la malveillance et l’injustice pour suivre la voie nouvelle, et l’intérêt toujours plus vif que met le public à étudier leurs essais, malgré les avertissemens zélés que distribue chaque matin le journal de chacun. Mais si l’empire de la critique telle qu’elle est actuellement organisée, doit s’écrouler, il n’en est pas moins très puissant à l’heure qu’il est. Pour le braver et lui survivre, il faut aux nouveaux adeptes de l’art chrétien, non pas l’ardeur d’une réaction momentanée, non pas l’élan d’un jeune courage, mais l’énergie intime, l’enthousiasme calme et contenu, le dévouement religieux à ce qui est immortel, et cette modestie silencieuse en face de l’injustice, qui semble l’ignorer encore plus que la dédaigner, toutes vertus bien rares et bien difficiles, mais dont le grand et saint Overbeck, au fond de son atelier solitaire de Rome, fournit le modèle le plus accompli et le plus encourageant.

Signalons en quatrième lieu une autre classe d’adversaires qui semblerait rentrer dans la précédente, mais qui offre des caractères distincts. Nous voulons parler d’un certain nombre d’écrivains sur l’art, lesquels, dominés par ces prévisions vagues et ambitieuses qui sont le signe à la fois de la gran-