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DE L’ART RELIGIEUX EN FRANCE.

public avec les hommes du progrès, posons les hommes de la mode, de cette mode, ignoble parodie de l’art, et qui en est la mortelle ennemie, de cette mode qui a mis le gothique en encriers et en écrans, qui daigne assigner aux produits de l’art chrétien une place dans ses préférences, à côté des pendules de Boule et des bergères en porcelaine du temps de Louis XV ; de cette mode enfin qui inspire à un certain nombre de peintres des tableaux où les mœurs et les croyances du moyen-âge sont représentées avec tout autant de fidélité que dans cette foule de pitoyables romans qui inondaient naguère notre littérature. Heureusement le bon sens public a déjà fait justice de ces charges du moyen-âge, de cette prétendue étude du passé, sans goût, sans science et sans foi ; la mode du gothique est à la veille d’être enterrée, et les pieux efforts de ceux qui se sont dévoués à l’œuvre de la régénération seront bientôt à l’abri d’une confusion humiliante avec l’exploitation de ceux qui spéculent sur la vogue et sur toutes les débauches de l’esprit.

Est-ce la seconde ou bien la dernière place qu’il faut assigner aux théoriciens et aux praticiens du vieux classicisme ? S’il fallait ne tenir compte que de la valeur, de l’influence, ou de la popularité de leurs œuvres et de leurs doctrines, en vérité, ce ne serait que pour mémoire qu’on aurait le droit de les mentionner. Mais, puisqu’ils occupent toutes les positions officielles, puisqu’ils ont à peu près le monopole de l’influence gouvernementale, puisqu’ils s’y sont constitués comme dans une citadelle d’où ceux qui font quelque chose se vengent de la réprobation générale qui s’attache à leurs œuvres, en repoussant opiniâtrement les talens qui ont brisé leur joug, et d’où ceux qui ne font rien s’efforcent d’empêcher que d’autres ne puissent faire plus qu’eux-mêmes ; puisque surtout ils ont encore la haute main sur tous les trésors que l’état consacre à l’éducation de la jeunesse artiste, il ne faut jamais se lasser de les attaquer, de battre en brèche cette suprématie qui est une insulte à la France, jusqu’à ce que l’indignation et le mépris public se soient enfin frayé un chemin jusque dans le sanctuaire du pouvoir pour en chasser ces débris d’un autre âge. Du reste, on a la consolation de sentir que, s’ils peuvent encore faire beaucoup de mal, briser beaucoup de carrières, tuer en germe beaucoup d’espérances précieuses, leur règne n’en touche pas moins à sa fin ; il ne leur sera pas donné de flétrir long-temps encore de leur souffle malfaisant l’avenir et le génie d’une jeunesse digne d’un meilleur sort ; la publicité fera justice de ces ébats du classicisme expirant, qui seraient si grotesques, s’ils n’étaient encore plus funestes ; les concours de Rome les tueront. Nous ne subirons pas toujours le règne d’hommes qui ont l’à-propos de donner pour sujet aux élèves, en l’an de grâce 1837, Apollon gardant les troupeaux chez Admète, et Marius méditant sur les ruines de Carthage !

Une troisième espèce d’adversaires, et, selon nous, la plus dangereuse, ce sont les critiques. Nous entendons sous ce nom les écrivains qui, dans divers journaux, sont chargés de traiter les questions d’art. Tous ces juges souve-