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DE L’ART RELIGIEUX EN FRANCE.

ques de la primitive école florentine, et celles si pures et si majestueuses de Luini ou de Raphaël avant sa chute ? Ce n’est certes ni le coloris, ni le dessin, ni les types choisis, rien en un mot, si ce n’est une égale fidélité à l’idée chrétienne, et ce merveilleux effet également produit sur l’ame par tous ces différens chefs-d’œuvre. Entraînée par eux vers le ciel, elle est plongée dans cette sorte d’extase mystérieuse qu’aucune parole ne saurait rendre, et qui ne laisse à l’admiration d’autres ressources que de dire comme Dante, au souvenir des délices du paradis :

Perch’ io lo’ngegno e l’arte e l’uso chiami,
Si nol direi, che mai s’immaginasse ;
Ma creder puossi et di veder si brami.

Que l’on ne croie pas non plus que cette fidélité à la pensée chrétienne doive dépendre exclusivement d’une époque spéciale, d’une organisation unique de la société, et que la nôtre en soit déshéritée. À côté de ces exemples qui datent des écoles primitives, on peut citer à juste titre l’admirable école contemporaine d’Allemagne, je veux dire celle d’Overbeck et de ses nombreux disciples, si peu connue en France, où l’on se croit cependant le droit de porter sur elle les jugemens les plus bizarres, parce qu’on a vu deux ou trois tableaux de l’école de Dusseldorf qui ne lui ressemble en rien. Eh bien ! tous ceux qui ont vu et compris des tableaux ou des dessins d’Overbeck, ne pourront s’empêcher de reconnaître qu’il n’y a là aucunement copie des anciens maîtres, mais bien une originalité puissante et libre, qui a su mettre au service de l’idée catholique tous les perfectionnemens modernes du dessin et de la perspective ignorés des anciens. L’ame la mieux prédisposée à la poésie mystique n’en est pas moins complètement satisfaite, comme devant le chef-d’œuvre le plus suave des anciens jours, et l’intelligence la plus revêche est forcée de convenir qu’il y a même de notre temps la possibilité de renouer le fil des traditions saintes, et de fonder une école vraiment religieuse, sans remonter le cours des âges, et sans cesser d’être de ce siècle.

Il est triste que l’Allemagne puisse s’attribuer à elle seule la gloire de cette véritable et salutaire renaissance. Il est triste que la Belgique, par exemple, où il y a, comme en France, tant de jeunes talens, qui a produit, au XVe siècle, une école si chrétienne, si pure, et la première de toutes par le coloris, celle de Van-Eyck, de Hemling, de Roger Van de Weyde, de Schoreel, s’obstine aujourd’hui à ne voir dans son brillant passé que l’école charnelle et grossièrement matérialiste de Rubens et de Jordaens. Il est triste que la France n’ait pas revendiqué l’initiative de cette glorieuse réaction en faveur du bon sens et du bon droit. Heureusement il est aujourd’hui constaté que cette réaction s’est étendue jusqu’à elle, et que parmi nous une foule de nobles cœurs d’artistes palpitent du désir de secouer le joug du matérialisme païen. Ils aspirent, pour l’art auquel ils ont dévoué leur vie,