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ERNEST MALTRAVERS.

fication de la lettre, et court chez Florence, car il est rentré en grace à force de soumission et de réserve. Il réussit à exciter la défiance de l’héritière qui l’a dédaigné ; il avoue qu’il a entre les mains la preuve de la perfidie qu’il dénonce, et enfin, après avoir fait promettre à Florence qu’elle lui rendra cette lettre accusatrice, il consent à la montrer. Le mariage est rompu ; Florence adresse à Ernest des paroles insultantes, et le poète orateur dédaigne de se justifier. Il soupçonne d’abord Lumley de l’avoir calomnié ; mais Lumley lui serre la main sans pâlir, et Ernest est convaincu de l’innocence de son ami. Castruccio, poussé par le remords, s’avoue coupable et offre sa vie en expiation. Ernest diffère sa vengeance, ou plutôt fait ses conditions. Si Florence, que le désespoir a mis en danger de mort, revient à la vie, il pardonne à Castruccio ; si elle meurt, il tuera Castruccio, ou sera tué par lui. Florence, après avoir langui quelques semaines, meurt comme une sainte. Ernest envoie à Castruccio la provocation convenue. Mais le colonel chargé de régler le combat, comme témoin d’Ernest, trouve Castruccio en proie au délire. Ernest, attendri par ce cruel spectacle, renonce à la vengeance, recommande son adversaire aux soins des médecins, et part pour le continent, dégoûté de la gloire, de la politique et de l’amour.

Voilà ce que M. Bulwer appelle la vraie philosophie de la vie.

Si les lecteurs d’Angleterre, et surtout si les lecteurs d’Allemagne, penseurs et critiques par excellence, accueillent avec faveur cette première partie de la vie d’Ernest Maltravers, l’auteur nous donnera la suite, et nous saurons ce qu’est devenue la folie de Castruccio Cæsarini. Nous connaîtrons les impressions nouvelles éprouvées sur le continent par Ernest Maltravers ; nous verrons la fille d’Alice Darvil figurer dans le monde sous le nom de lady Vargrave ; peut-être assisterons-nous à la réunion et au mariage d’Ernest et d’Alice. Une perspective indéfinie s’ouvre devant nous. En attendant que toutes ces promesses se réalisent, nous sommes obligé de chercher dans cette première partie la vraie philosophie de la vie. Malgré notre bonne volonté, nos recherches sont demeurées inutiles, et nous déclarons sincèrement qu’Ernest Maltravers n’est pour nous qu’un roman très vulgaire, très peu philosophique, et même très peu littéraire. Dans ce livre, comme dans la plupart de ses précédens ouvrages, l’auteur fait preuve d’un grand savoir-faire et d’une imagination très mesquine.

Il est vrai que M. Bulwer n’a pas prétendu faire un roman et qu’il attache une haute importance aux nombreuses digressions qui oc-