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Un autre fait qui, sous certains rapports, n’aurait pas moins d’importance, c’est la fabrication artificielle, nouvellement annoncée, du principe auquel les meilleurs vins vieux doivent leur bouquet, et qu’on a nommé l’éther œnanthique, ce qui veut dire en grec fleur ou bouquet du vin. Déjà depuis quelques années on était parvenu à isoler ce principe, mais ce sera bien mieux encore, s’il est vrai qu’on puisse le fabriquer de toutes pièces Quelle bonne fortune pour les marchands de vin comme celui qui, accusé d’un délit malheureusement bien connu autrefois, d’avoir débité dans Paris du vin fabriqué seulement avec du trois-six, du sucre et de la teinture, soutenait devant le tribunal la pureté de son vin ! Le célèbre Vauquelin avait été chargé de démontrer la fraude par l’analyse chimique : « Ce ne peut être, disait-il, du vin véritable, parce qu’il ne contient pas de tartre. — Bon, reprit aussitôt le marchand de vin, j’en mettrai désormais. »

Le procédé employé dans les usines de M. d’Arlincourt, pour rendre le zinc moins altérable, mérite de fixer notre attention. Ne doit-on pas être surpris de voir que les seuls alliages employés dans les arts soient connus depuis plusieurs siècles, et que la chimie moderne, tout en reconnaissant la supériorité de ces alliages pour certains usages, n’ait pas cherché à donner à l’industrie quelque nouvel alliage plus durable que le zinc, plus solide que le plomb, moins altérable que la tôle ou que le fer-blanc, et en même temps moins cher et d’un usage moins dangereux que le cuivre ? Eh bien ! il paraît que ce problème a été résolu, du moins en partie, et qu’il l’a été par l’industrie. L’alliage de zinc, de plomb et d’étain qu’on annonce sous le nom de zinc non oxidable, résiste beaucoup mieux que le zinc pur à l’action des acides et des substances salines, suivant ce qu’a dit à l’Académie M. Dumas, membre de la commission chargée de l’examiner ; mais on ne saura qu’après des expériences long-temps prolongées, s’il peut remplacer, comme on l’annonce, le cuivre pour le doublage des navires.


M. Dumas et M. Liebig. — Jamais aucune science ne s’est prêtée plus complaisamment que la chimie aux conceptions des théoriciens ; s’il n’est plus question aujourd’hui de la transmutation des métaux, on recherche avec autant d’ardeur les lois de l’arrangement des molécules dans les corps, de la combinaison et de la transformation des substances organiques. L’introduction, dans cette science, des formules qui, désignant chaque élément par une lettre, n’ont de commun avec celles de l’algèbre que l’emploi des lettres et des chiffres, a singulièrement favorisé le goût des faiseurs de théories. Ces chimistes en effet se sont imaginé pouvoir tirer de leurs formules complaisantes des résultats aussi exacts que ceux des géomètres.

Cependant M. Dumas qui n’est pas seulement un des plus habiles théoriciens, mais à qui la science doit aussi des faits nombreux et importans, vient d’annoncer publiquement qu’il s’est associé à M. Liebig, un des plus savans chimistes de l’Allemagne, pour poser dans un traité spécial les bases et les règles de la chimie organique plus encombrée chaque jour de petits faits et