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REVUE. — CHRONIQUE.

n’en ont montré qu’un côté, selon les lieux. On veut, avant tout, se faire élire, et alors on se laisse souvent aller à caresser le faible des électeurs outre mesure, contre la raison et contre la conviction personnelle. Il s’opère en même temps, sur la masse des élections, deux mouvemens convergens et quelquefois trompeurs, qui déplacent momentanément les hommes, dans l’intérêt d’un succès d’amour-propre, pour les rapprocher d’un terrain où leur marche est gauche et embarrassée. Pour ne pas tomber du côté où l’on penche, on se jette en avant ou en arrière, un peu à l’étourdie, et sans penser à la dignité personnelle, qui vaut mieux qu’une élection. Les uns, soupçonnés de vouloir détruire, se font conservateurs et prodiguent les protestations de dévouement à la constitution ; les autres, soupçonnés de tiédeur dans le libéralisme, prennent des engagemens que ne désavouerait pas M. Garnier-Pagès. Une fois à la chambre, le naturel revient ou serait revenu, si les électeurs s’étaient laissé séduire.

Néanmoins, nous ne voulons pas nier qu’il ne se soit accompli sur des points un changement réel et sérieux, que bien des esprits ne se soient accommodés à la situation, soumis à la puissance des faits, et qu’ils ne soient maintenant disposés à dater d’une ère nouvelle, sans récriminer sur le passé. C’est au ministère du 15 avril, c’est à la sagesse de M. Molé qu’est dû cet heureux résultat, et telle est l’influence sous laquelle s’ouvrira la session. Un vaste plan de travaux publics, plusieurs lois d’attributions, des réformes à faire dans la législation civile, la question d’Alger ravivée par la conquête et la conservation de Constantine, tel doit en être le programme ; où trouver place dans ces discussions pratiques pour les théories radicales ou les passions réactionnaires que plusieurs des députés de la nouvelle législature pourraient être tentés de porter à la tribune ? Telle qu’elle est composée, la chambre sera-t-elle disposée à les écouter, à tolérer des violences qui ne sont plus de saison et n’ont plus de prétexte ; et s’il faut subir, dans la discussion de l’adresse, les frais de deux ou trois réputations à faire, sera-ce un embarras chaque jour renaissant pour toute la durée de la session ? Nous ne le croyons pas, et en voici la raison : c’est que le cabinet ne provoquera ces violences ni par son attitude, ni par ses projets, ni par ses actes, ni par son langage, ni par ces indiscrétions d’imprudens amis dont on rend quelquefois un ministère responsable. Il n’y a pas de lois de rigueur à présenter ; elles ne sont pas dans le caractère des hommes qui le composent, et rien dans la situation des affaires n’en réclame de nouvelles. On ne peut donc pas s’attendre à voir renaître des débats irritans, et les questions d’intérêts matériels, d’administration, d’ordre positif, reprendront bientôt et conserveront le dessus. N’est-ce pas là qu’à travers tant d’épreuves on a cherché à en venir depuis trois ans ?

Il est vrai que l’année dernière, aux approches de la session, le gouvernement se promettait la même sécurité, se croyait arrivé au même point, offrait dans le même espoir les mêmes alimens et ouvrait la même carrière à l’activité du pays ; et cependant, comme les questions de parti, comme les théo-