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imprudent ne manque pas de le compromettre. C’est surtout à la comparaison de ce que les autres ont gagné que le parti doctrinaire paraît avoir perdu, et aussi à cause des vides que les promotions à la pairie ont produits dans ses rangs.

Au reste, nous ne prétendons pas essayer ici la statistique de la chambre nouvellement élue. Ce n’est ni le lieu, ni le temps, et rien n’est plus trompeur dans la pratique. Une chambre est toujours ce que la font les circonstances et les hommes supérieurs qui savent s’en emparer, témoin celle de 1831, dans laquelle la politique du 13 mars n’avait d’abord trouvé rien moins que sympathie et faveur.

Ce qui contribue beaucoup à rendre ces sortes de calculs fort trompeurs, quand ils ne reposent pas sur plusieurs votes bien constatés dans un certain nombre de questions importantes, c’est que la politique ne joue pas toujours dans les élections le rôle qu’on suppose. Il y a des hommes qui, indépendamment de leurs opinions, se discréditent ou se recommandent aux yeux des électeurs par des indignités ou des qualités spéciales. Ces motifs échappent de loin à l’appréciation, et tel choix dont les journaux font un succès de parti, n’est au fond qu’un succès de personne, ou bien une simple affaire d’intérêt local. Ainsi ce n’est pas tant pour avoir défendu et voté une loi impopulaire que tel député n’est pas réélu : c’est pour avoir pris trop de soin de sa fortune personnelle ; c’est pour s’être assuré, très jeune encore, dans une place de conseiller à la cour de cassation, une retraite avantageuse et sûre, précisément à l’époque où le traitement venait d’être porté de 12 à 15,000 francs.

Ailleurs ce sont des préventions plébéiennes et de vieilles animosités qui l’ont emporté sur le mérite politique des candidats. Nous ne saurions, pour notre part, nous empêcher d’exprimer un regret. Nous eussions désiré voir siéger dans le parlement de 1838 plus d’hommes jeunes et nouveaux ayant fait leurs preuves comme publicistes ; dans le nombre nous citerons l’auteur de la Démocratie en Amérique, M. de Tocqueville ; M. L. de Carné, que nos lecteurs ont depuis long-temps apprécié comme écrivain politique, ainsi que M. Lerminier, le brillant professeur du Collége de France. Ces publicistes, prenant chacun dans la chambre la place et la ligne politique où l’appelaient ses convictions, eussent souvent éclairé et agrandi les discussions. Nous parlons ici dans l’intérêt général et non dans l’intérêt particulier d’aucun amour-propre. Il était important pour tous que les hommes d’études qui ont fait de la carrière politique et parlementaire le but de leurs travaux pussent montrer à la chambre et au pays comment ils entendaient l’alliance du progrès avec l’ordre, de la modération avec la fermeté, des sentimens nationaux avec l’esprit politique.

Les élections générales ont présenté aussi, il faut le dire, un singulier spectacle, et elles prouvent que l’éducation politique du pays, des électeurs et des candidats n’est pas encore entièrement faite. Beaucoup ont mis, pour nous servir d’une expression récente, leur drapeau dans leur poche, ou