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remarquable, moins curieuse que le fond : non, certes ; mais elle est, avec plus de richesse, la même que dans un millier de volumes qui ont joui ou qui jouissent encore d’une certaine réputation. Il y aurait assurément quelques réclamations à élever en faveur du vocabulaire, en faveur de la syntaxe ; il y aurait quelques observations à faire sur le choix des figures. Mais je craindrais, en épluchant minutieusement l’œuvre de M. Lenormant, de me voir affublé du titre d’ultra-classique. Je n’ai nulle envie d’ailleurs de prêcher dans le désert. Que notre langue française s’arrange comme elle l’entendra avec M. Lenormant comme avec tant d’autres qui la mettent en œuvre. Je passe donc rapidement sur « ces vallées, semblables à autant de coupes d’où le parfum de la société humaine s’élève en fumée vers le ciel[1], » sur « le repaire et les grands bras du mont Taurus, » sur « le désert qui dispute fièrement le passage aux grands fleuves[2], » sur « les deux pôles opposés de l’histoire primitive, » de même que sur « ses colonnes de reconnaissance[3]. » Je ne m’arrête point au « fumier social dans lequel ont leurs pieds les plantes les plus belles que le soleil de l’intelligence ait fait éclore[4], » non plus qu’à la « couche sur laquelle dort tranquillement l’Europe, » quoique cette couche vaille assurément le repaire du mont Taurus. Je laisse de côté ces raffinemens de critique, qui, « du fond d’un cabinet de Rostock ou de Kœnigsberg, viennent chicaner vingt-quatre siècles sur le fond de leur plus solide croyance[5] ; » et cependant j’aurais beau jeu à m’y arrêter. Un cabinet de Rostock ! c’est là de la couleur locale ; il ne s’agit pas vraiment d’un cabinet quelconque ; puis, le fond, du fond, cela se décline ; mais je passe. « Les agens surnaturels qui, traduits du génie oriental dans le nôtre, se réduisent, la plupart du temps, à de simples formes de langage[6], » ne m’arrêtent pas davantage ; je ne veux point voir ces agens que l’on traduit d’un génie dans un autre ; je me borne à une citation, parce que j’en dois au moins une pour mettre à l’abri de tout soupçon mon impartialité. Cette citation, je l’emprunte à la page 26 et aux suivantes :

« Je serais un ingrat, messieurs, si je déniais les obligations que j’ai à la belle science que Vico a créée. L’enfant qui marche aujourd’hui ne calomnie pas le doigt de sa mère qui le soutenait il y a si peu de jours. » Puis quelques lignes plus bas : « Ces monstres de synthèse, passez-moi l’expression, messieurs, ne surgissent qu’à l’aurore d’une science. Un Buffon n’a pu deviner la théorie de la terre qu’alors que la

  1. Pag. 16.
  2. Pag. 43.
  3. Pag. 47.
  4. Pag. 4.
  5. Pag. 167.
  6. Pag. 171.