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de ce tournoi chevaleresque. Quoi qu’il en soit, Vexoris, arrivé sur les bords de l’Euxin, envoie sommer les Scythes de le reconnaître pour suzerain ; les Scythes lui répondent très cavalièrement, et, sans l’attendre chez eux, ils se mettent en devoir de l’aller trouver ; Vexoris, effrayé de leurs démonstrations, abandonne son armée et se réfugie précipitamment dans ses états. Les Scythes, profitant de l’occasion, s’emparent de l’Asie jusqu’à l’Égypte où ils ne pénètrent point ; comme le dit très expressément notre historien ; leur domination sur l’Asie dura quinze siècles, après lesquels cette contrée leur fut enlevée par Ninus, le fondateur de la monarchie assyrienne. Tout cela, on le voit, remonte bien haut ; quinze cents avant Ninus, que l’on regarde comme le contemporain d’Abraham, c’est une époque antédiluvienne ; aussi notre historien, tout en relatant ces vieilles conquêtes, a-t-il bien soin d’ajouter que, dans la réalité, le premier empire qui se soit agrandi par des conquêtes, est l’empire assyrien. C’est par inadvertance que M. Lenormant suppose, d’une part, que la conquête de l’Égypte dut être la suite du défi porté aux Scythes par le roi Vexoris, et, d’autre part, que cette conquête est celle dont il est fait mention dans les fragmens de l’histoire égyptienne de Manéthon ; c’est par inadvertance, sans nul doute, car d’un côté Justin dit expressément que les Scythes ne pénétrèrent pas en Égypte, et, d’un autre côté, il nous apprend que le défi en question est antérieur de quinze siècles à l’empire d’Assyrie. Or, cet empire avait atteint déjà le maximum de sa puissance, lorsque l’Égypte fut envahie par les hordes phéniciennes ou arabes dont parle Manéthon. Ce serait assurément, comme le dit M. Lenormant, « ce serait un assez beau résultat que celui qui donnerait la démonstration de l’identité des conquérans de l’Égypte avec les Scythes. » Mais il faut renoncer à trouver ce beau résultat dans les compilations tardives de Trogue-Pompée. Nous verrons un peu plus loin si l’on ne pourrait l’obtenir par une autre voie ; pour le moment, il nous reste à examiner une seconde assertion de Justin non moins importante que la précédente.

Entre les Scythes et les Égyptiens, dit cet historien, il y a eu de longues disputes au sujet de l’ancienneté de leur origine. Diu contentio de generis vetustate fuit. Chaque peuple de son côté, apportant les argumens qui lui semblaient militer en sa faveur, la victoire fut chaudement disputée. Enfin, cette lutte, bien innocente assurément et bien peu meurtrière, se termina à l’avantage des Scythes. Leurs raisons furent jugées supérieures à celles de leurs antagonistes, et