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COURS D’HISTOIRE ANCIENNE.

Moïse. À l’aide d’un artifice de logique qu’il ne m’a point été donné de saisir, Jehovah, qui tout à l’heure représentait la création matérielle, et entachait d’imperfection la création d’Elohim, devient, avant la fin du paragraphe, le représentant « par essence de l’être et de l’esprit, » tandis que le dieu père, qui tout à l’heure représentait la création spirituelle, arrive à se confondre « avec la matière première ou le chaos panthéistique ; » si bien que Moïse « amoindrit, autant qu’il est en lui, la personne même du père, en tant que cette personne, par sa nature universelle et compréhensive, implique encore une déification confuse de la matière. » Son but, on le voit, est de faire du fils le dieu unique des Hébreux.

Tout cela est neuf, assurément, très neuf, et n’était cet artifice de logique qui fait passer le père et le fils chacun à son tour par la matière et par l’intelligence, tout cela pourrait être clair. J’avoue franchement que je me suis tout-à-fait perdu dans ces évolutions du père et du fils, et que j’aime mieux accepter de confiance l’unité de la doctrine exposée dans la Genèse. Passons au second point : l’ancienneté du Pentateuque, prouvée par les contradictions qu’il renferme.

Les contradictions dans un livre historique semblent annoncer que des mains diverses ont concouru à sa composition. Des contradictions signalées dans les livres de Moïse ont porté certains critiques à regarder ces livres comme l’œuvre d’un compilateur, venu bien long-temps après le législateur juif. M. Lenormant combat cette objection avec beaucoup plus de clarté qu’il n’en a mis dans la discussion précédente.

Que le Pentateuque soit l’œuvre de Moïse, ou qu’il soit une compilation publiée sous son nom long-temps après lui, dans l’un et l’autre cas, il faut trouver une explication aux contradictions signalées. Lequel des deux. Moïse ou le compilateur, avait le plus d’intérêt à ne point laisser subsister des taches pareilles ? Évidemment c’est le compilateur, jaloux qu’il devait être de prévenir et d’écarter les objections que l’on pouvait élever contre l’ancienneté revendiquée par lui pour l’œuvre dont il était l’auteur. Si donc l’on peut dire que le compilateur tardif a laissé subsister les contradictions signalées comme n’ayant « aucun inconvénient notable, il est aisé d’en dire autant de l’écrivain primitif, bien moins soucieux de se répéter et de se contredire, puisqu’il n’avait aucunement à se donner pour ce qu’il n’était pas. » Qu’importaient à Moïse, en effet, les contradictions ? Il n’avait point à craindre qu’on s’en fit une arme pour lui contester l’antiquité