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SOCIALISTES MODERNES.

édifices, à la prompte réparation des calamités publiques, comme les inondations et les incendies.

Vient ensuite la hiérarchie de souveraineté. Dans Fourier, cette souveraineté est multiple ; elle demande des titulaires à tous les instincts, à toutes les facultés, à toutes les aptitudes, à toutes les passions ; elle est en outre alternée, périodique, mobile, capricieuse ; elle ne pèse point, elle n’offusque point. La souveraineté est, dans certains cas, héréditaire ; mais elle n’emporte aucune attribution de capacité ; la loi élective a réglé les fonctions et les grades. Les titres de souveraineté s’échelonnent depuis l’unarque, qui commande une phalange, jusqu’à l’omniarque, qui est l’empereur du globe. Il y a un duarque pour quatre phalanges, un triarque pour douze, un tétrarque pour quarante-huit, et ainsi de suite ; le douzarque règne sur un million de phalanges. L’omniarque vient au-dessus ; c’est le treizième grade ascendant de la hiérarchie.

Le cercle dans lequel se meut le pouvoir de ces chefs a été si minutieusement tracé, qu’il équivaut à peine à un patriarcat dévolu aux plus anciennes familles. L’élection universelle dans toutes les fonctions, et une liberté illimitée acquise désormais aux passions de l’homme, comme loi sociale et absolue, font de la souveraineté un titre presque honorifique, un titre de luxe, un titre d’apparat. Autour des chefs plus de gardes, plus de bourreau à leurs ordres, plus de tribunaux sous leurs mains. La liberté est complète, puisque toutes les passions sont légitimes ; l’égalité ne l’est pas moins, puisque dans les phalanges l’éducation est la même pour tous, les fonctions accessibles à tous, les voies de fortune et de grandeur ouvertes à tous, et aux mêmes titres. Quel rôle reste-t-il à un pouvoir dans une société ainsi faite ?

Cette liberté dont on vient de parler, Fourier l’attribue en dose égale aux deux sexes ; il fait mieux, il ne distingue pas. Si, chez lui, la femme ne joue pas le rôle important et exagéré qu’a voulu lui attribuer le saint-simonisme, du moins lui reste-t-il une part assez belle pour qu’elle ne crie pas à l’oppression et au sacrifice. Dans le mécanisme sociétaire, l’homme domine, il est vrai, la femme dans les rapports d’ambition, mais la femme y domine l’homme dans les affections d’amour et de famille. Voilà donc déjà que la femme est le pivot du ménage ; mais Fourier ne prétend pas l’y tenir dans le séquestre et dans l’isolement. « L’harmonie, dit-il, ne commettra pas, comme nous, la sottise d’exclure les femmes de la médecine, de l’enseignement, de les réduire à la couture et au pot-au-feu. Elle saura que la