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SOCIALISTES MODERNES.

Jules Lechevalier, Abel Transon, Pecqueur, Paget, Morize et Pellarin concoururent à sa rédaction. Bientôt on alla plus loin : cette réalisation si vainement attendue par Fourier, on entrevit la possibilité de l’entreprendre. MM. Baudet-Dulary et Devay frères mirent en commun, à Condé-sur-Vesgres, de vastes propriétés sur lesquelles devait se poursuivre l’établissement d’une Phalange. On commença en effet les travaux ; on mit en culture une partie des friches, quoique par le procédé banal ; on maintint en rapport les terres qui l’étaient ; on construisit quelques bâtimens d’exploitation rurale ; mais tout cela fut incomplètement fait et avec des fonds insuffisans pour la réussite. Plus tard même, les ressources manquèrent, et on s’arrêta. Il y avait eu avortement, mais il n’y avait pas eu essai.

Alors une chose demeura bien prouvée aux hommes d’exécution, c’est qu’il ne fallait désormais hasarder une tentative nouvelle qu’avec le plus beau et le plus complet développement de moyens. La déconvenue de Condé-sur-Vesgres fut fatale à divers titres ; non-seulement elle se présenta dans le public sous la forme d’une expérience malheureuse, mais elle réagit même sur les membres de l’école ; il y eut hésitation et temps d’arrêt ; plusieurs se retirèrent pour chercher dans la politique un mobile plus immédiat, un aliment plus réel à leur activité. Le Phalanstère disparut ; il se fit comme un silence autour de Charles Fourier.

Celui qui releva son drapeau fut encore M. Considérant ; il publia la Phalange et reprit les travaux de propagation. Mais mûris par l’expérience, les disciples de Fourier ne semblent plus vouloir désormais s’isoler du monde : ils acceptent en pratique les conditions de la société actuelle, toutes réserves d’ailleurs faites pour l’avenir. Ce sont maintenant de simples ingénieurs qui désirent prouver à tous, et par un essai, la valeur d’un mécanisme sociétaire renfermant en germe les plus beaux et les plus féconds résultats. Il y a plus : calculant avec justesse combien leur action sera lente et difficile sur des hommes rompus à d’autres habitudes, ils entendent opérer d’abord sur des enfans, et fonder un institut sociétaire où ils seront élevés selon la méthode de Fourier, et dans le sens de l’éclosion des vocations. Il paraît même que déjà un établissement de ce genre a été fondé à l’île Maurice, et que les résultats ont dépassé toutes les espérances préconçues. Dans cette institution (infants school), l’éducation commence au sevrage, et à trois ans les enfans sont déjà sociétairement utiles. Aucun moyen de contrainte n’y est employé ; toutes les passions du jeune âge, le mouvement, le bruit, l’inconstance, la