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ment pesé sur lui. Quand les passions du moment seront calmées, ses ennemis politiques eux-mêmes reconnaîtront qu’il s’en est acquitté avec honneur, et il a eu d’autant plus de mérite à ne pas reculer devant l’accomplissement de ce devoir envers son prince, qu’entre lui et le feu roi il y avait des torts à pardonner et de fâcheuses dissensions à oublier. Guillaume IV, n’étant encore que duc de Clarence, avait été revêtu, sous le ministère de M. Canning, du titre de grand amiral d’Angleterre, et comme tel, s’était passé aux frais du public des fantaisies assez dispendieuses. Ses voyages, ses inspections, ses manœuvres navales, coûtaient sans profit des sommes énormes, et nuisaient au service par l’agitation qu’ils entraînaient. Il s’était aussi montré sous plusieurs rapports opposé au système de Wellington ; ainsi, par exemple, il avait excité l’amiral Codrington à livrer cette bataille de Navarin que l’administration d’alors désapprouva formellement. Toutes ces circonstances les avaient tellement éloignés l’un de l’autre, que le prince, fatigué de tant de contrariétés, avait renoncé à ses fonctions de grand-amiral. Appelé à la couronne peu de temps après, on peut supposer que les souvenirs récens de leur sourde lutte contribuèrent à le rendre plus accessible au vœu populaire qui appelait la réforme et le changement du ministère Wellington, et néanmoins, lorsqu’il voulut se débarrasser d’une administration trop libérale à ses yeux, ce fut entre les bras de Wellington qu’il courut se jeter ; le sentiment d’estime qui l’y portait ne subit aucune altération jusqu’à sa mort, et c’est Wellington qui est resté en possession de sa plus intime confiance. Une cour honorera toujours un homme d’épée, et déjà, s’il faut en croire la commune renommée, la reine Victoria, malgré son éducation libérale, se montre pénétrée pour le vieux général de cette admiration enthousiaste que ressentaient pour lui ses deux prédécesseurs.

Le sentiment d’honneur, la loyauté chevaleresque, sans ostentation et sans faste, qui caractérisent le duc de Wellington, sont assurément de ces qualités qui inspirent aux princes et aux peuples bien plus de confiance que les talens politiques et le don de pénétrer les besoins d’une époque. Aussi nous pouvons ajouter à sa louange que par cela même les politiques plus ardens et moins scrupuleux de son propre parti lui préfèrent des chefs d’une probité moins rigoureuse. Les circonstances actuelles en fournissent une preuve remarquable. Une des plus grandes difficultés contre lesquelles ait maintenant à lutter le ministère whig est l’impopularité de ses dernières mesures sur la réforme des lois qui concernent le paupérisme. Tout homme