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membres du ministère n’étaient pas disposés à s’y prêter, quoique ce ne fût pas encore une question de cabinet. Cependant M. Huskisson, soit qu’il crût plus nécessaire que jamais de s’appuyer sur les libéraux pour soutenir sa nuance d’opinion dans le conseil, soit ressentiment des affronts multipliés qu’il avait eus à essuyer de la part des amis de Wellington, depuis l’avénement de ce dernier au pouvoir, vota en cette circonstance avec les whigs, et puis, dans un accès de magnanime indépendance, il écrivit au premier ministre pour lui offrir sa démission, s’il se trouvait embarrassé du parti pris par son collègue. Cette offre de démission n’était nullement nécessaire, la question n’étant pas de celles sur lesquelles le ministère dût être unanime ; et peut-être M. Huskisson, en faisant cette démarche inconsidérée, se flattait-il en secret de recevoir du premier ministre une lettre où celui-ci reconnaîtrait la grandeur de ses services et se déclarerait hors d’état de s’en passer. Aussi quel ne fut pas son étonnement quand un petit billet de la trésorerie lui annonça que le duc de Wellington était désolé d’avoir perdu son appui, mais venait de placer sa démission sous les yeux du roi ! Huskisson aussitôt d’écrire au premier ministre en toute hâte et d’un ton consterné qu’il n’avait nulle envie de sortir du ministère, si le ministère ne voulait pas se séparer de lui, et de faire observer à Wellington que l’enveloppe de sa lettre portait les mots « particulière et confidentielle, » qui auraient dû prévenir toute communication de son contenu. Le duc répondit sur-le-champ que la lettre de M. Huskisson était une vraie démission et ne signifiait pas autre chose ; qu’il en était au désespoir ; qu’il avait bien remarqué les mots mystérieux de l’enveloppe, mais qu’il avait cru que sa majesté devait toujours être en tiers dans ces confidences entre ministres. Le pauvre M. Huskisson se sentait acculé à ses derniers retranchemens, et les appointemens de sa place lui tenaient fort au cœur ; car c’est là l’explication la plus naturelle des efforts convulsifs qu’il fit pour retenir ce qui lui échappait des mains. Il envoya son ami lord Dudley, qui était aussi le collègue du duc de Wellington, lui expliquer la chose et l’assurer que tout cela était un malentendu. Lord Dudley trouva le vieux soldat aussi sec et aussi dur qu’à l’ordinaire ; toute la rhétorique de l’ambassadeur n’en obtint que cette réponse : « Il n’y a pas de malentendu ; il ne peut y en avoir, et il n’y en aura pas. » Lord Palmerston fait à son tour une tentative ; même rebuffade. Enfin, à bout de voie, Huskisson écrit de nouveau, et reçoit une nouvelle réponse, non moins décisive que la première, assaisonnée de cet affreux sarcasme : « En ce temps-ci, je ne connais