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HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

ning prit le portefeuille des affaires étrangères, le duc de Wellington fut envoyé au congrès de Vérone. Canning lui avait donné pour instruction de s’opposer formellement à toute intervention de la sainte-alliance en Espagne, et de déclarer qu’en aucun cas l’Angleterre ne voulait y prendre part. Ceci est positivement certain ; mais on n’a jamais bien su au juste quel rôle avait joué le duc de Wellington dans les négociations de Vérone. Son honneur et sa probité ne permettent pas de douter qu’il ait suivi à la lettre les instructions du secrétaire d’état des affaires étrangères. Cependant on peut se demander si les vues de Canning furent réalisées dans toute leur étendue. Le cabinet dans lequel siégeait ce ministre n’était pas encore entièrement affranchi des traditions de lord Castlereagh et de ses complaisances systématiques pour la sainte-alliance. On savait le duc de Wellington personnellement lié avec les souverains qui en faisaient partie, très décidément opposé aux principes du libéralisme espagnol et préoccupé par-dessus tout de la nécessité de maintenir l’ordre européen sur les bases établies au congrès de Vienne. De plus, il n’était pas en parfaite intelligence avec Canning. L’éloignement de ces deux hommes d’état l’un pour l’autre remontait probablement à l’époque de la guerre d’Espagne, pendant laquelle les vues de Wellington avaient souvent trouvé peu de faveur auprès de Canning, par suite du malheureux penchant de cet habile ministre à se mêler des affaires qui lui étaient le plus complètement étrangères. Et quand M. Canning commença à faire cause commune avec les libéraux du continent, leur antipathie mutuelle ne put que s’accroître. Aussi est-il difficile de comprendre que l’on se soit promis un grand succès de négociations dans un sens libéral confiées à un agent comme le duc de Wellington. Il est certain qu’elles échouèrent d’une manière déplorable. Les souverains alliés accueillirent avec une sorte de politesse moqueuse les représentations officielles du diplomate anglais. Celui-ci s’est plaint que le gouvernement français l’eût laissé, jusqu’à son retour de Vérone à Paris, dans la persuasion qu’il voulait demeurer neutre, et se fût engagé à faire l’intervention, dès qu’il le vit à une distance raisonnable du théâtre des négociations. Enfin, l’orgueil espagnol repoussa avec indignation le conseil que donnait le duc de Wellington au parti constitutionnel de modifier la constitution pour désarmer les alliés. C’est, en effet, un conseil qu’une nation accepterait à peine de ses meilleurs amis à l’étranger ; à plus forte raison le rejetterait-elle de la part d’un ennemi des institutions qu’elle s’est données. La révolution suivit donc son cours en Espagne,