Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/422

Cette page a été validée par deux contributeurs.
418
REVUE DES DEUX MONDES.

vit-il si long-temps ? » réprimandant d’abord le nain, mais ensuite écrivant au sénat de s’occuper de l’affaire de Paconius.

Cependant de fâcheuses nouvelles arrivaient des provinces. C’était la Gaule en révolte, l’Orient troublé, les Frisons que l’avidité des chefs romains poussait à la guerre, l’Arménie occupée par les Parthes, la Mésie par les Daces et les Sarmates. Pendant que Tibère suppliciait et s’enivrait à Caprée, tous les liens de l’empire allaient se relâchant. Depuis la mort de Drusus, sa première sollicitude pour les affaires publiques avait sans cesse diminué. L’amour de l’argent l’avait pris. Les provinces restaient sans gouverneurs, parce qu’il n’en choisissait pas par méfiance de tous, ou bien, par méfiance de ceux qu’il avait nommés, ne les laissait pas partir. Toute sa pensée était de dissimuler le mal, traitant les maladies de l’empire comme la sienne propre, craignant surtout de donner trop de crédit à un homme, s’il lui permettait de faire la guerre. Cette apathie, du reste, était celle de tous. Par momens, Tibère se plaignait que les hommes les plus capables de commander les armées refusassent cette charge, qu’il fût obligé de descendre à des prières pour trouver des consulaires qui voulussent accepter les gouvernemens. Il est vrai que lui-même ne donnait point de tribun aux légions, et qu’Arruntius, qu’il avait choisi depuis dix ans pour aller en Espagne, était depuis ce temps retenu par une accusation. Mais qui lui eût reproché cette négligence ? Chacun occupé de son propre danger à Rome, qui eût pensé aux dangers lointains ? Lorsqu’eut lieu la révolte de Sacrovir, qui souleva deux des nations gauloises, le bruit se répandit que les soixante-quatre états de la Gaule étaient en révolte, que les Germains avaient été appelés à faire alliance avec eux, que l’Espagne était douteuse. Ces bruits étaient imaginaires ; mais le présent était si triste, il y avait un tel désir de tout changement, que bien des gens s’en réjouissaient. « Il s’était donc enfin trouvé, disaient-ils, des hommes qui venaient, par les armes et par la guerre, interrompre la sanguinaire correspondance de Tibère et de ses délateurs ! »

C’est une chose étonnante que la faiblesse de ce pouvoir tyrannique ; il était terrible de près, impuissant de loin. Les provinces étaient à dessein mal assurées, l’armée négligée ; il n’y avait personne pour contenir le premier Espagnol ou le premier Gaulois qui voulait se révolter. Aussi demandait-on ironiquement si ce Sacrovir allait être traduit devant le sénat comme coupable de lèse-majesté.

Il faut voir quelle était l’indépendance d’un général éloigné de Rome, aimé de ses légions, et comment, accusé d’avoir voulu faire