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tine, si éloignée de la mer par la route de Bone, la seule explorée jusqu’à présent, en serait beaucoup plus rapprochée par plusieurs autres voies, qui aboutiraient à l’est et à l’ouest des caps Boujarone sur trois points différens du littoral. À l’ouest, ce serait l’embouchure du Rummel, qui passe sous les murs de Constantine, et se rend ensuite à la mer par une étroite vallée ; mais les cartes n’indiquent pas de port à l’embouchure de ce fleuve, tandis qu’à l’est il en existe au moins deux.

La conquête de Constantine nous ouvre donc un large horizon. Qu’il y ait beaucoup à faire, beaucoup à dépenser pour assurer, dans la réalité, une partie des résultats que l’imagination et la théorie s’en promettent, nous ne le nions pas. Que ces résultats aient besoin de quelque temps pour se développer, bien loin de le contester, nous désirons que tous les esprits sérieux en soient bien convaincus. Malheureusement il y a dans le caractère français une impatience maladive qui nuira toujours aux grandes entreprises, et que la rapidité même des communications, si avantageuse d’ailleurs, contribue à entretenir. On vit, au jour le jour, de petits faits qui échappent à la mémoire, que l’esprit ne s’attache pas à résumer et à généraliser, et qui, réunis dans un certain ensemble, constitueraient cependant, à les envisager par masses, de notables progrès. Il n’y a pas encore sept ans et demi que le drapeau français a pris possession d’Alger, et nous nous étonnons qu’il ne soit pas respecté d’un bout à l’autre de la régence, et nous nous étonnons qu’une population belliqueuse, fanatique, puissante, n’y reconnaisse pas encore tout entière notre empire ; que tout le territoire ne soit pas couvert d’établissemens français. Mais on oublie que pendant les deux ou trois premières années la conservation d’Alger a été douteuse ; on oublie la mesquinerie des moyens employés, les changemens si fréquens de gouverneurs et de systèmes, les tiraillemens des chambres, les incertitudes de l’opinion. Et en vérité, si l’on tenait compte de toutes ces circonstances, on devrait plutôt s’étonner que la domination française ait jeté de si profondes racines dans l’Algérie, de Bone à Oran.

Nous le répéterons à la France et au gouvernement : il faut garder Constantine. À la France, nous dirons que la conquête de la régence est sa gloire, que c’est un champ immense ouvert à son ambition et à son activité au profit de la civilisation européenne ; mais que, pour l’exploiter avec fruit, il faut de la persévérance, et qu’on ne peut recueillir au moment où l’on sème. Nous dirons au ministère du 15 avril, que ce dernier succès le grandit et le consolide, comme la prise de la citadelle d’Anvers a consolidé le cabinet du 11 octobre, qu’il doit le présenter intact à la nouvelle chambre et ne se charger en aucun cas de l’impopularité qui s’attacherait à le déclarer stérile.

Un incident bizarre a signalé le retour en France de l’escadre qui s’était présentée devant Tunis, afin d’y prévenir toute tentative de débarquement de la part des Turcs. Le contre-amiral Lalande est arrivé assez brusquement, avec plusieurs vaisseaux de ligne, en vue du port de Naples, et, sans se douter de la frayeur qu’il causait, leur a fait exécuter diverses évolutions