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REVUE. — CHRONIQUE.

s’est jusqu’à présent exercé dans un sens de restriction, de parcimonie, de réserve, qui impose une grande prudence à tout ministère chargé de concilier dans la pratique les vues d’une politique élevée avec les timidités constitutionnelles du budget. Mais le ministère de M. Molé ne dépasserait pas ces limites, en gardant Constantine, comme tout indique qu’il le pourra faire, sans de trop fortes dépenses.

Nous aimons à reconnaître que les organes de l’opinion libérale en Angleterre n’ont manifesté ni chagrin, ni ombrage, à l’occasion du triomphe de nos armes. Les journaux tories seuls ont essayé, mais en vain, de raviver des jalousies éteintes et d’exciter des inquiétudes mal fondées, que nous croyons le gouvernement anglais fort éloigné de partager. C’est une justice que nous rendons volontiers au ministère whig, et nous sommes persuadés que la nation anglaise devient de jour en jour moins accessible à de pareils sentimens. Mais plus notre alliance avec l’Angleterre, cette alliance qui est le gage de la paix du monde, se consolidera dans l’avenir, plus aussi nous pourrons sans témérité engager les forces et les moyens de la France en Afrique. Ni les Turcs, ni les Russes, ne nous auraient expulsés de l’Égypte au commencement de ce siècle, et sans les Anglais nous en serions peut-être encore aujourd’hui les maîtres. Que l’Algérie nous en tienne lieu, et ne craignons pas d’ouvrir cette carrière à l’activité nationale, puisque l’alliance de l’Angleterre est une garantie de plus pour la paisible jouissance du fruit de nos sacrifices. Il n’y a pas, dit-on, d’alliance éternelle entre les peuples ; c’est vrai. Mais les intérêts et les principes qui ont rapproché, en 1830, les deux plus puissantes nations libres de l’Europe semblent de nature à maintenir long-temps leur union, et le cabinet du 15 avril a beaucoup fait avec sa sagesse, comme avec sa discrétion ordinaire, pour l’affermir. Il peut donc oser en Afrique sans se faire accuser d’imprévoyance ; et si nous ne croyions pas M. Molé résolu à tirer tout le parti possible d’un succès qui honore son administration, nous lui dirions que ce succès même, qui a fait tant de jaloux, tournerait contre lui, le jour où il prendrait soin de diminuer son importance, en reconnaissant qu’il ne saurait avoir de résultats sérieux.

Tous les hommes qui s’intéressent à la question d’Alger ont lu le curieux travail publié par M. Dureau de la Malle sous le titre modeste de Renseignemens sur la province de Constantine. Il serait à désirer que les conclusions générales de ce travail sur la fertilité de la province, sur l’importance de Constantine, sur les grandes voies de communication établies par les Romains dans cette partie de l’Afrique, fussent connues de tout le monde. On serait étonné de ce qu’en rapportent les voyageurs anciens et modernes, les observateurs les plus désintéressés et les moins suspects d’exagération. Un savant professeur du Jardin des Plantes, M. Desfontaines, qui a parcouru la province de Constantine en 1785, a laissé sur l’agriculture et les productions végétales du pays les observations les plus complètes et les plus satisfaisantes, qui s’accordent d’ailleurs avec une foule d’autres témoignages également recueillis par M. Dureau de la Malle. La ville même de Constan-