Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/376

Cette page a été validée par deux contributeurs.
372
REVUE DES DEUX MONDES.

l’avénement du centre gauche aux affaires. Mais cette alliance ne saurait avoir ni l’intimité ni les conséquences d’une étroite association ; c’est la neutralité, et, dans certains cas, l’opposition bienveillante d’un héritier présomptif. M. Odilon Barrot ne peut pas partager le pouvoir avec M. Thiers, et l’opposition ne trouve pas sa place dans un ministère de coalition. D’autres feront les frais des combinaisons intermédiaires qui amèneront le gouvernement dans ses voies.

En formant une opposition légale et pratique, qui se place, à son rang, sur les degrés du pouvoir, nous entrons dans une situation excellente, dans une situation meilleure, à beaucoup d’égards, que celle où se trouve l’Angleterre, depuis 1832. En Angleterre, la réforme n’a fait éclore aucun parti, et n’a pas sensiblement renouvelé le terrain où étaient campés les vieux partis. Ils sont toujours partagés en trois grandes divisions ; le peuple ne connaît pas d’autres noms de guerre que ceux de tories, de whigs, et de radicaux. Il y a bien quelque chose entre les whigs et les tories depuis la défection de lord Stanley, quoique ce parti intermédiaire ait disparu presque entièrement dans les dernières élections ; mais il n’y a rien entre les whigs et les radicaux, aucune halte possible dans le progrès, en sorte que si, quelque anneau de la coalition libérale venant à se rompre, le ministère Melbourne perdait la majorité, on n’aurait plus ni majorité, ni parti, ni ministres préparés à gouverner.

Notre bonne étoile veut que nous n’en soyons plus réduits à la même indigence. Après M. Molé, M. Thiers est possible ; après M. Thiers viennent les nuances plus vives du centre gauche et les hommes tels que MM. Dupin, Dufaure et Vivien ; après ceux-ci, M. Odilon Barrot et l’opposition ; après l’opposition, les radicaux, qui ne tarderont pas à détacher quelque avant-garde pour combler la distance entre eux et M. Barrot. Ainsi les partis s’échelonnent, et avec les partis les phases de la monarchie. Ce sont autant de gages donnés à l’esprit de réforme, autant d’engagemens pris contre l’esprit de révolution. Dès ce moment, la marche du gouvernement constitutionnel est assurée.

On interpréterait mal notre pensée, si l’on croyait que ce que nous conseillons à l’opposition légale, c’est tout simplement d’avoir un peu plus d’ambition. Il ne faut pas tendre au pouvoir, si l’on veut l’occuper honorablement et sûrement. Mais le but sérieux et digne que doit se proposer un parti national, c’est de résoudre, d’une manière certaine, les difficultés devant lesquelles hésite l’opinion publique, et