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rités n’est pas la même ; quand on lutte contre le pouvoir, en présence de l’opinion que l’on veut attirer à soi, peu importe le nombre des opposans ; une seule chose est précieuse, c’est d’avoir de son côté le droit ou la passion. En 1826, l’opposition, réduite à dix-sept députés, gouvernait bien plus réellement que M. de Villèle, appuyé sur le bataillon des trois cents ; car chacune de ses paroles faisait tressaillir le pays.

Depuis trois ans, les opinions tendent évidemment à se déclasser. La masse des esprits flottans s’accroît outre mesure, tandis que les rangs des partis classés vont s’éclaircissant tous les jours. Cette situation n’est pas régulière ; ce n’est jamais volontairement ni pour long-temps qu’un peuple reste dans le vide, qu’il s’abstient de sentir et de penser. Les opinions sont tièdes, non qu’elles aient besoin d’excitation, mais parce qu’elles demandent à être rassurées. Faites scission avec les hommes qui passent, à tort ou à raison, pour les ennemis du repos public, et les tendances libérales reprendront leur cours.

L’opposition ne s’est pas certainement affaiblie dans la chambre, depuis ces mémorables séances où M. Odilon Barrot vint répudier publiquement à la tribune toute solidarité avec les convictions de M. Garnier-Pagès. Ce qui le prouve, c’est que dès ce moment l’unité du parti ministériel fut rompue ; la majorité, jusqu’alors compacte et inébranlable, n’ayant plus la peur pour ciment, tomba bientôt en poussière. Une seconde scission dans les rangs de la gauche lui fit faire un nouveau progrès. À dater de la retraite des puritains, qui n’étaient qu’un obstacle illustre, il devint manifeste que le gouvernement, modéré par deux changemens successifs, dérivait enfin vers l’opposition. La dissolution de la chambre, en consommant la rupture du parti parlementaire avec les opinions plus ou moins éloignées de la constitution, devait le mettre en possession de cet avenir.

L’opposition avait moins à combattre le gouvernement qu’à l’attirer. Il fallait oublier beaucoup, s’occuper bien plus des garanties à prendre que des représailles à exercer, et compter pour quelque chose les faits accomplis. Le pouvoir n’est pas le seul coupable dans tout ce qui s’est passé depuis sept ans ; et l’opposition n’existe pas seulement pour le contenir ou le redresser, car il est aussi dans ses devoirs de contribuer à l’éducation du pays. Parmi les causes de l’atonie des esprits, nous faisons figurer à sa place l’impuissance du gouvernement ; nous savons qu’en s’efforçant de comprimer le libre essor de la pensée, il a livré la France à la domination des intérêts