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RÉFORMISTES D’ÉCOSSE.

arrêter le mouvement journalier de la terre en appuyant leurs pieds sur sa surface.

« L’expérience de tous les temps doit avoir appris à nos gouvernans que la persécution n’a jamais anéanti les principes, et que leurs foudres sont impuissantes quand elles sont lancées contre le patriotisme, l’innocence et la fermeté. Que je puisse vivre une vie douce au sein de mon pays que j’aime, entouré de ces ames parentes de la mienne, dont l’approbation est pour moi la plus précieuse des récompenses, la plus grande des félicités, ou qu’il faille consumer le reste de mes jours au milieu des voleurs et des assassins, dans un lointain exil, sur les plages nues et mélancoliques de la Nouvelle-Hollande, mon esprit, ferme et égal dans l’une et l’autre fortune, est préparé à la destinée qui l’attend.

...Seu me tranquilla senectus
Expectat, seu mors atris circumvolat alis,
Dives, inops, Romæ, seu fors ita jusserit, exul
.

« Il n’est pas de plus vive douleur que celle causée par l’exil à l’homme qui aime son pays. Eh bien ! cette douleur n’en est plus une, si celui qui la souffre a la conscience d’avoir rempli un devoir envers ses semblables. Si alors on demande à l’exilé quel est son pays ; supérieur à tout ce qui l’entoure, il détourne les yeux de cette place obscure qu’on appelle la terre, et, comme Anaxagoras, il vous montrera le ciel ! »

Après quarante années, les prophéties de Gerald se sont accomplies en partie. L’Angleterre jouit du plus grand nombre des libertés réclamées par les réformistes de 1794.

Gerald fut condamné, comme Muir, à quatorze ans de déportation. Ces arrêts et ceux prononcés à la même époque contre Skirving, Palmer, Margarot et autres, équivalaient à des arrêts de mort. Quelle fut en effet, la fin de ces hommes que les réformistes d’aujourd’hui regardent comme les martyrs de leur cause ?

Muir et Palmer, condamnés les premiers, avaient été conduits de Leith à Londres et jetés sur deux pontons différens, la Prudence et le Stanislas. L’Angleterre traitait alors ses prisonniers politiques comme elle a traité depuis ses prisonniers de guerre. Muir et Palmer, les fers aux pieds et aux mains, mêlés à des centaines de meurtriers et de bandits, rebut impur de la société[1], étaient obligés de travailler,

  1. Annual register, 1793.