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RÉFORMISTES D’ÉCOSSE.

encore se réunir. Les gens de métier de la vieille ville, les ouvriers des fabriques, et la population de la Canongate et de la Cowgate, sortant de leurs maisons, s’attroupèrent dans les rues. Mais le pouvoir était sur ses gardes. Il faisait courir habilement dans la foule des nouvelles contradictoires. — La convention devait s’assembler au pied du Calton-hill, disait l’un ; — au Grass-market, disait l’autre ; — sur le Lawn-market, ajoutait un troisième. La confusion était telle que les délégués eux-mêmes, qui manquaient de direction depuis l’arrestation de Skirving, ne savaient plus où se réunir. Séparés en petites troupes, ils parcouraient la ville dans tous les sens, cherchant un centre de rassemblement qu’ils ne pouvaient trouver nulle part. Le manque d’ensemble détruisait leur force, qui sans cela eût été redoutable. Vers le soir tout ce peuple, qui peut-être eût résisté à l’oppression, fatigué d’attendre, se dispersa, et chacun rentra au logis. Au commencement de la nuit cependant, un bon nombre de sociétaires, étant parvenus à se rallier et à s’entendre, se réunirent dans la boutique d’un ébéniste, dans l’un des faubourgs éloignés de la ville, au pied d’Arthur’s-Seat, à la place occupée aujourd’hui par le Rankeiller-Street. Ils commençaient à peine à se consulter sur ce qu’ils devaient faire dans ces circonstances critiques, lorsque le sheriff et ses gens, mieux informés que bien des sociétaires, qui, faute de mot d’ordre, erraient çà et là dans la ville, accourant à la lueur des torches, sommèrent les associés de se disperser. L’Anglais Margarot les présidait, assisté de Gerald, délégué comme lui par les réformistes anglais. — Je ne quitterai mon siége que si on m’en arrache ! — s’écrie-t-il. Le sheriff le fait saisir par ses gens. Alors a lieu une scène qui donne l’idée la plus parfaite de l’esprit de mysticisme et de liberté qui animait ces premiers réformistes, une scène qui, dans quelques-uns de ses détails, nous reporte au temps du Covenant et des puritains.

Gerald se lève ; Gerald, l’homme du monde brillant, le gentilhomme accompli ; Gerald qui, en venant en Écosse se réunir aux puritains sévères de la convention, avait pris l’habit simple et austère du quaker et laissé tomber sur ses épaules ses longs et noirs cheveux, taillés et poudrés autrefois selon les règles de la plus stricte fashion ; Gerald se lève, et s’adressant au sheriff d’une voix pleine d’autorité et d’exaltation : « Ce soir nous n’avons pas fait notre prière accoutumée, lui dit-il, laissez-nous remplir une dernière fois ce devoir sacré. » Le magistrat fait un signe d’assentiment, et Gerald prononce la prière suivante, que le sheriff et ses gens, mêlés aux patriotes, écoutent la tête découverte. « Ô toi, gouverneur du monde,