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pays que sa majesté et son conseil privé auraient choisi. Lord Henderland finissait en requérant contre Thomas Muir « la condamnation à la déportation pour quatorze ans, avec peine de mort si l’accusé essayait de rompre son ban avant l’expiration de la peine. »

Alors Muir se levant : « Milords, je n’ai que peu de mots à répondre. Je ne ferai aucune observation sur la rigueur ou la modération de la sentence qui m’attend ; mais, fallût-il marcher de la barre à l’échafaud, ce serait avec le même calme et la même sérénité d’ame que j’éprouve en ce moment. Mon esprit me dit que j’ai agi d’une manière conforme à ma conscience, et que je me suis voué à une bonne, à une juste, à une glorieuse cause, à une cause qui, tôt ou tard, doit prévaloir, à la cause de la réforme, qui ne peut manquer de triompher, et qui, par son triomphe, sauvera ce pays d’une destruction complète ! « 

L’avis de lord Henderland fut adopté, quoique Braxfield, avant de s’y rendre, eût opiné pour la déportation à vie. Muir fut donc condamné à quatorze années de déportation.

L’Écosse n’était pas mûre pour la cause dont Muir annonçait si hautement le triomphe, car cette condamnation du chef des réformistes porta d’abord un coup terrible à la réforme. La convention, dans le premier moment, fut même sur le point de se dissoudre. Les officiers d’un grade supérieur, les fils de lords, en un mot, la plupart des membres qui occupaient une position sociale élevée, les riches négocians et les avocats, qui ne s’en étaient pas encore séparés, choisirent ce moment pour le faire. L’esprit sauvage et opiniâtre des covenantaires d’autrefois ne vivait plus que dans un petit nombre de cœurs.

L’Écosse, comme l’Allemagne, est le pays des sectaires ; mais l’esprit de secte n’existe guère que dans les rangs inférieurs de la société, dans les rangs de ceux qui croient volontiers et qui croient long-temps. Les hommes des classes moyennes, dans les villes, et beaucoup de campagnards restèrent seuls fidèles à la cause de la réforme ; ils maintinrent l’organisation de la convention, et décidèrent, dans la première délibération qui suivit la condamnation de Thomas Muir, que chaque jour une députation de ses membres dînerait avec le condamné, dans le jail, aux frais de la société. Tout le temps que Muir passa dans la prison d’Édimbourg, la députation, renouvelée chaque jour, vint régulièrement lui tenir compagnie. Dans ces petites réunions, Muir, toujours apôtre, ne se plaignait guère de son sort et de ses persécuteurs ; il prêchait la réforme à ses amis ; il leur recommandait la persévérance dans une cause qui devait bientôt