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de pareils rapports, vous détruisez pour jamais la société domestique, vous desséchez dans leur germe les doux épanchemens des familles… Ah ! n’est-ce pas assez de pleurer sur des malheurs publics sans qu’il faille encore, quand nous rentrerons dans nos maisons, nous renfermer dans une sombre solitude, gardée par le soupçon et le danger, où nous ne pourrons nous laisser aller aux affections de la famille, et où désormais tout échange de paroles consolantes entre amis ne sera même plus permis ! »

L’ensemble du plaidoyer de Muir est plutôt une prédication qu’une défense ; la question de la réforme du parlement, qu’il traite en plusieurs endroits avec une habileté et une hauteur de vues que peu de réformistes modernes ont égalées, et avec une modération qui ne laisse pas de prise aux interruptions de lord Braxfield, le remplit presque en entier. Muir termine ainsi sa longue oraison :

« Maintenant, quel a été mon crime ? Serait-ce d’avoir prêté à un ami un exemplaire du livre de Payne ? Serait-ce d’avoir donné à d’autres amis quelques pamphlets très constitutionnels et très innocens ? Non, messieurs ; mon crime, c’est d’avoir osé, autant que me le permettaient mes faibles moyens, me faire l’énergique et actif avocat du droit qu’a le peuple d’être représenté avec équité dans la maison du peuple ; c’est d’avoir poursuivi l’accomplissement de cette mesure par tous les moyens légaux ; c’est d’avoir vivement réclamé la diminution des taxes qui écrasent les citoyens ; c’est d’avoir adjuré hautement le pouvoir de se montrer économe du sang du pauvre. Messieurs, depuis mon enfance jusqu’à ce moment, je me suis dévoué à la cause du peuple. C’est une noble et belle cause, qui doit définitivement prévaloir, qui doit finalement triompher. Prononcez votre verdict ; s’il m’est contraire, si vous me condamnez, ce que je ne puis croire possible, ce sera pour mon attachement à cette cause seule, et non pour de vains et honteux prétextes, qui ne servent qu’à colorer misérablement les motifs réels de l’accusation portée contre moi. »

Le lord de justice Braxfield répliqua à Muir. Il le fit avec brutalité, et avec un manque de goût et de formes qui plaçait de beaucoup le lord au-dessous du plébéien. Il répond à la forte et véhémente argumentation de l’accusé par des injures, et quand il arrive à la grande question de la réforme, il fait, aux théories un peu naïves du réformiste, la réponse qu’ont faite de tous temps les tories aux radicaux : « Tout gouvernement dans tout pays est l’image d’une corporation. Dans notre pays, cette corporation se compose d’hommes possédant la terre, qui seuls ont le droit d’être représentés ; car pour