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RÉFORMISTES D’ÉCOSSE.

souvent, ses lieutenans avaient peur. Déjà même la plupart des délégués des ordres supérieurs, craignant d’être frappés à leur tour, s’étaient retirés de la société et se cachaient. William Skirving, Écossais comme Muir, mais ne possédant pas la même influence, avait seul osé accepter le poste périlleux de secrétaire de la convention, que le départ de son ami avait laissé vacant. Il y assistait en cette qualité quand elle s’assembla en mai 1793.

Pendant que les réformistes cherchaient à se concerter, les agens du pouvoir ne restaient pas inactifs ; de nombreuses arrestations avaient lieu chaque jour, et c’est vers ce temps que commença cette période de l’histoire moderne d’Écosse que les réformistes de ce pays ont appelée le règne de la terreur.

La fatalité voulut que Muir, oubliant les conseils de la prudence, vînt lui-même, dans ce temps funeste, se livrer à ses ennemis. La guerre avait éclaté entre l’Angleterre et la France. L’embargo mis sur les bâtimens de l’une et l’autre nation avait suspendu toutes les relations entre les deux pays. Pendant plusieurs mois, la famille de Muir était restée sans nouvelles de l’exilé. Les premières lettres que Muir reçut d’Écosse lui apprirent que son nom avait été rayé de la liste des avocats écossais, et que la persécution continuait contre les hommes de son parti avec plus de violence que jamais. La famille de Muir lui envoyait des lettres, de l’argent, et l’engageait à passer aux États-Unis, où un accueil hospitalier l’attendait. Muir avait vingt-huit ans à peine. Il était l’unique fils de parens qui l’adoraient et qui faisaient reposer sur sa tête toutes les espérances de leur vieillesse. Ces espérances étaient même un peu ambitieuses, car on raconte que la mère de Muir avait rêvé que son fils serait lord-chancelier d’Angleterre. Si la pauvre femme avait l’ambition de la mère des Gracques, elle en eut aussi les désappointemens et les mortelles douleurs. Malgré les avis paternels, Muir quitta la France, et s’embarqua sur un navire américain qui se rendait en Irlande. Muir s’arrêta dans cette île, et vécut quelque temps dans l’intimité des réformistes de ce pays. Pendant son séjour auprès d’eux, il entra en correspondance avec son père par le canal du capitaine américain. Cette correspondance du jeune homme et du vieillard est extrêmement touchante. Le malheureux père est obligé de faire violence à ses sentimens pour parler de son fils comme d’un étranger, et la tendresse paternelle se trahit plus d’une fois dans ses lettres. L’absence de ce jeune homme nous a grandement affligés, dit le vieillard, et cependant il recommande au