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truction de l’esprit de clan, passait, malgré le caractère remuant de ses habitans, pour la plus facile à soumettre des provinces du Royaume-Uni, l’Écosse fut choisie pour faire un exemple, et Thomas Muir fut désigné pour être la première victime. Il fut arrêté vers le commencement de janvier 1793, six semaines après la première réunion de la convention écossaise. Thomas Muir refusa de répondre aux interrogatoires du sheriff. Il connaissait les vices de la législation criminelle de l’Écosse, la politique insidieuse et inquisitoriale des magistrats de son pays, qui souvent arrachaient à l’impatience de l’accusé les seuls griefs qui pussent donner lieu à un procès et à une condamnation. Avocat et ami de l’humanité, il avait souvent dénoncé de semblables manœuvres et déjoué d’indignes tentatives de ce genre. En se taisant, du moins il ne donnait pas d’armes contre lui. Muir fut mis bientôt après en liberté sous caution. Comme son procès ne devait avoir lieu qu’après certains délais, il chargea un de ses amis, M. John Campbell, de le prévenir à temps, et partit pour Londres, où il vit, en passant, les principaux réformistes anglais, et de Londres il se rendit à Paris.

Ses juges n’ont pas mis ce voyage au nombre des griefs allégués contre lui ; on peut donc croire que le but en était innocent, et que le seul désir de satisfaire une curiosité bien naturelle chez un esprit aussi amoureux de nouveautés, avait engagé Muir à l’entreprendre. Il arriva à Paris la veille de l’exécution de Louis XVI. Son cœur fut navré. Il apprécia sur-le-champ toutes les conséquences que ce fatal évènement allait avoir pour la liberté des peuples. Il comprit tout le parti que les ennemis de l’affranchissement de son pays allaient tirer de cette sanglante exécution ; le jour où la tête de Louis XVI tomba, il se vit condamné par les juges écossais, et la liberté avec lui.

Quand les tories d’Édimbourg apprirent que Muir était en France, en faveur auprès des régicides, disaient-ils, ils ne perdirent pas de temps. Ils le citèrent à comparaître devant la cour criminelle pour le crime non défini de sédition ; sans lui laisser les délais matériellement nécessaires pour qu’il pût revenir de France en Écosse, ils le déclarèrent hors la loi, et la somme qu’il avait déposée comme caution fut confisquée. La première pensée de Muir fut de revenir à Édimbourg et de faire face à ses ennemis. Ses amis s’opposèrent à cette résolution désespérée. Ils ne voyaient là qu’un sacrifice inutile.

Pendant l’absence de Muir, les réformistes ne perdirent cependant pas tout courage. L’armée était nombreuse, pleine de confiance et de résolution ; mais son général n’était plus là, et comme il arrive