Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/331

Cette page a été validée par deux contributeurs.
327
RÉFORMISTES D’ÉCOSSE.

français. En Écosse, l’instruction est plus répandue qu’en France : tout fermier a sa bibliothèque ; tout paysan a ses livres ; on lit dans les moindres chaumières. Aussi consomme-t-on dans ce petit pays autant de journaux et de publications périodiques qu’en France. Ces goûts littéraires ont fait accuser l’Écossais de pédantisme ; cela tient sans doute à ce que, si l’Écossais sait autant que le Français, il sait autrement que lui, c’est-à-dire plus solidement ; à ce que, s’il a autant d’intelligence que le Français, il n’a ni sa mobilité, ni son audace un peu légère. Ajoutez à cela qu’en Écosse, ce tour d’esprit est aussi plus religieux qu’en France. On croit encore dans ce pays-là, on croit beaucoup. Il est vrai que chacun croit à sa manière, que dans les villes chaque quartier et presque chaque rue a sa religion ; mais n’importe, chacun croit.

En présence du mouvement dont nous venons de parler, en présence d’un mouvement si unanime et si raisonné, en présence de la menaçante organisation d’une moitié du pays, l’alarme devait être grande dans le camp des tories et du pouvoir. Ils savaient que le peuple avait la conscience de ses droits, ils le voyaient se concerter et s’armer. Ils tremblaient. Ils se trompaient néanmoins dans leurs craintes comme les jacobins de Paris dans leurs espérances.

Comme il arrive souvent, lorsque l’intelligence a pénétré dans les masses et que ces masses s’agitent, l’arme dont elles se servent le plus volontiers et qu’elles croient la plus efficace, c’est l’arme de la parole. Les sociétaires de la convention d’Écosse, les délégués du congrès anglais, parlaient donc beaucoup, écrivaient beaucoup, mais agissaient peu. La force brutale agit parce que la force brutale est toute matérielle et qu’elle ne connaît qu’un seul droit, le droit du plus fort. La force intelligente a plus de modération. De quelle manière, en effet, agir vis-à-vis du pouvoir quand on veut rester dans la légalité, et qu’on répugne à l’insurrection ? Les sociétaires écossais se bornaient donc, comme par le passé, à des manifestes et à des menaces qui rendaient plus vives les terreurs du pouvoir, plus profondes ses haines, plus imminentes ses vengeances.

Chaque nation, comme chaque homme, a son caractère propre. Ce caractère national se montre surtout dans les actes des partis. Ces actes suivent plus ou moins promptement les discours dont ils sont la conséquence logique et obligée. En France, d’ordinaire, l’acte, conséquence logique du manifeste, suit rapidement le manifeste, comme nous en avons eu la preuve dans mainte circonstance, et même dans des temps fort rapprochés ; au-delà du détroit, l’acte