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LES DEUX MAÎTRESSES.

à mine insolente et rébarbative, était debout devant la marquise, et lui présentait une tasse de chocolat brûlant qu’elle se mit à avaler à petites gorgées. La présence de ce tiers, l’extrême attention que mettait la dame à ne pas se brûler les lèvres, le peu de souci qu’en revanche elle prenait du visiteur, n’étaient pas faits pour encourager. Valentin tira gravement l’esquisse qu’il avait dans sa poche, et, fixant ses yeux sur Mme de Parnes, il examina alternativement l’original et la copie. Elle lui demanda ce qu’il faisait. Il se leva, lui donna son dessin, puis se rassit sans en dire davantage. Au premier coup d’œil, la marquise fronça le sourcil, comme lorsqu’on cherche une ressemblance, puis elle se pencha de côté, comme on fait lorsqu’on l’a trouvée. Elle avala le reste de sa tasse ; le laquais s’en fut, et les belles dents reparurent avec le sourire.

— C’est mieux que moi, dit-elle enfin ; vous avez fait cela de mémoire ? Comment vous y êtes-vous pris ?

Valentin répondit qu’un si beau visage n’avait pas besoin de poser pour qu’on pût le copier, et qu’il l’avait trouvé dans son cœur. La marquise fit un léger salut, et Valentin approcha son tabouret. Tout en causant de choses indifférentes, Mme de Parnes regardait le dessin.

— Je trouve, dit-elle, qu’il y a dans ce portrait une physionomie qui n’est pas la mienne. On dirait que cela ressemble à quelqu’un qui me ressemble, mais que ce n’est pas moi qu’on a voulu faire.

Valentin rougit malgré lui, et crut sentir qu’au fond de l’ame il aimait Mme Delaunay ; l’observation de la marquise lui en parut un témoignage. Il regarda de nouveau son dessin, puis la marquise, puis il pensa à la jeune veuve. Celle que j’aime, se dit-il, est celle à qui ce portrait ressemble le plus. Puisque mon cœur a guidé ma main, ma main m’expliquera mon cœur.

La conversation continua (il s’agissait, je crois, d’une course de chevaux qu’on avait faite au Champ-de-Mars la veille).

— Vous êtes à une lieue, dit Mme de Parnes.

Valentin se leva, s’avança vers elle.

— Voilà un beau chèvrefeuille, dit-il en passant.

La marquise étendit le bras, cassa une petite branche en fleurs et la lui offrit gracieusement.

— Tenez, dit-elle, prenez cela, et dites-moi si c’est vraiment moi dont vous avez cherché la ressemblance, ou si, en en peignant une autre, vous l’avez trouvée par hasard.

Par un petit mouvement de fatuité, Valentin, au lieu de prendre