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REVUE. — CHRONIQUE.

succès, que la patience, la persévérance, pendant longues années, n’ont point été sans porter des fruits qui méritent considération. Le ministre se rappelle avoir chargé un de nos amis, le docteur J. Dujardin, d’une mission qui supposait une connaissance approfondie de la langue égyptienne. Nous n’avons point appris que cette connaissance, assez chèrement achetée, selon nous, lui soit contestée par personne ; nous ne parlons, bien entendu, que de ceux qui sont en état de juger. Nous savons bien que l’expression franche, et parfois un peu âpre, d’un doute consciencieux à l’occasion de certaines assertions dénuées de preuves qui se présentent trop fréquemment dans les écrits de M. Champollion, a soulevé contre lui des préventions fâcheuses chez quelques personnes. Dès que la mort, enlevant si malheureusement M. Champollion à des recherches inachevées, ne lui avait point laissé le temps de joindre la preuve à bon nombre d’aperçus que son coup d’œil lui avait donnés pour vrais, que devaient faire ceux qui venaient après lui ? Croire sur parole ? Tel a pu être l’avis de quelques-uns. À notre avis, la seule marche raisonnable était de remettre en doute tout ce qui n’était point prouvé, jusqu’à l’instant où des recherches nouvelles auraient conduit à la démonstration nécessaire. Après un moment de réflexion, ceux qui ont pris pour une offense la demande d’une preuve, auraient senti que si cette vérité, qu’ils admettaient et voulaient faire admettre sans examen, était bien la vérité, des recherches sérieuses, faites avec conscience, et prenant pour base une connaissance aussi complète, aussi approfondie que possible de la langue égyptienne, devaient forcément conduire à la reconnaître, à lui rendre témoignage, celui-là même qui s’était établi sur le terrain du scepticisme le plus absolu. Le doute chez un adversaire consciencieux n’est-il pas toujours pour la vérité une occasion de triomphe ? et celui-là qui pèse avec scrupule, qui examine avec rigueur, n’est-il pas cent fois plus utile à la science qui vient de naître, à la science incomplète et subissant encore les mille transformations de cette première époque ; n’est-il pas plus utile que celui qui se jette en aveugle dans la route à peine tracée, incapable de redresser une erreur, de remplir une lacune ?

Mais il semble que nous fassions une apologie, et cela n’est point dans notre intention. Nous avons voulu montrer seulement que changer aujourd’hui la destination primitive de la chaire d’archéologie du Collége de France serait contraire aux intentions du ministre qui l’a fondée, et fatal aux intérêts de la science dont M. Champollion a jeté les fondemens. Nous soumettons nos observations au jugement éclairé de M. de Salvandy, qui doit prononcer dans cette affaire, et à celui des professeurs appelés à donner leur avis. La chaire d’archéologie du Collége de France a été créée pour l’enseignement de la langue égyptienne et de ses rapports avec les écritures anciennes ; nous espérons qu’on ne l’enlèvera point à cet enseignement, tant qu’il ne sera point démontré que cet enseignement est impossible. Or, l’examen de la liste des candidats qui se présentent nous paraît fournir une démonstration contraire.

Nous y voyons figurer d’abord un membre de l’Académie des Inscriptions, M. Guérard, dont les recherches ont eu constamment pour objet les premiers siècles de notre histoire nationale ; puis, un autre membre de la même académie, M. Lajard, qui s’occupe depuis longues années de l’interprétation des symboles assyriens, persans, chaldéens ; ensuite, un conservateur-administrateur de la Bibliothèque du Roi, M. Lenormant, qui paraît