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d’incertitudes, pour ne pas dire davantage, que les gouvernemens amis de leur maître se départiront de leur prudente et timide neutralité.

Tandis que l’ancien monde se débat ainsi dans des guerres de succession et des rivalités de principes politiques, l’Amérique du Nord, si fière de ses gigantesques progrès, paie elle-même son tribut aux vices des institutions humaines, quelles qu’elles soient, et aux passions de notre nature. Une crise financière dont les effets se sont étendus jusqu’en Angleterre et en France, et qui paralyse en ce moment le commerce, l’agriculture et l’industrie des États-Unis, s’est déclarée, il y a sept ou huit mois, sur toutes les places commerciales, dans tous les centres d’affaires de l’Union américaine. Les causes en seraient trop longues à déduire ; mais elle a eu pour résultat de suspendre dans toute l’étendue de la république les paiemens en numéraire de la part des banques et des maisons de commerce, pour lui substituer des valeurs en papier ayant cours forcé, qui, dans les transactions du commerce et de l’industrie, perdent inégalement d’un état à l’autre, et même sur le lieu de l’émission, d’après le plus ou moins de confiance qu’inspirent les établissemens de crédit autorisés à émettre ce papier. Il est facile de concevoir les embarras d’un pays commerçant où le régulateur de toutes les affaires est livré à une pareille confusion.

Le gouvernement fédéral, qui a juré au système des banques une guerre d’extermination, se trouve atteint par cette crise. Il avait la prétention d’exiger que toutes les obligations des particuliers envers lui fussent acquittées en numéraire ; mais quand les paiemens en espèces ont été suspendus partout d’un commun accord, il a bien fallu que le gouvernement accordât des modifications, des adoucissemens, des ajournemens, pour les droits de douanes, principale source de ses revenus, et il en est résulté un déficit considérable dans le trésor de l’Union. C’est ce qui a principalement motivé une convocation extraordinaire du congrès des États-Unis, fixée au 4 septembre, par le nouveau président, M. Van Buren. Le congrès s’est donc ouvert le 4 septembre, et il a reçu, le même jour, un immense message du pouvoir exécutif, dans lequel on attribue tout le mal aux spéculations extravagantes, favorisées par les établissemens de crédit ; mais le pouvoir exécutif ne se croit pas autorisé par la constitution à intervenir dans la crise commerciale, ni à rien faire directement pour en accélérer le dénouement. Il se borne à proposer les moyens de pourvoir aux embarras du trésor, et de subvenir à ses besoins. Puis il se déclare plus opposé que jamais au rétablissement d’une banque centrale des États-Unis et proclame la ferme résolution de retirer aux banques la perception et la distribution du revenu public, qu’elles accomplissaient comme intermédiaires entre l’administration du trésor et les citoyens. Le moyen de subvenir aux besoins du gouvernement consiste à reprendre pour son compte une somme considérable en espèces ou en lingots, reste de l’excédant du revenu qui devait être distribué aux états et l’a été en grande partie. Cette somme, retirée de la circulation, était demeurée en dépôt dans plusieurs banques provinciales, favorisées par l’ancien président Jackson, qui l’avait fort brutalement enlevée à la banque des États-Unis. On évitera, en recourant à ce moyen, de contracter un emprunt ou d’augmenter les taxes ; et, comme il sera impossible de recouvrer immédiatement les fonds confiés à des banques généralement peu solides et fort embarrassées pour le moment, le pouvoir exécutif demande