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à la mer deux nouveaux vaisseaux de ligne, le Wola et le Constantin, l’un de 84, et l’autre de 76 canons, construits d’après les méthodes les plus récentes, et enrichis de toutes les améliorations introduites par le génie des Anglais dans ce genre de travaux.

Nous avons dit en commençant que nous voulions être justes, même envers la Russie ; nous avons tenu parole. Mais à Pétersbourg on trouverait que nous avons été bien rudes ; et il y aura infailliblement ici de fortes têtes qui n’en croiront pas moins tout ce qui précède, écrit par quelque conseiller intime russe en mission extraordinaire auprès de… la presse.

La guerre civile que l’insurrection des maréchaux Saldanha et Terceire avait allumée en Portugal au nom de la charte de don Pedro, est arrivée à son terme plus promptement qu’on ne s’y attendait. C’est le vicomte Das Antas qui a porté le dernier coup au parti chartiste, avec le petit nombre de troupes restées fidèles au gouvernement constitutionnel. Le lendemain de la bataille de Ruivaes, Saldanha et le duc de Terceire ont signé une capitulation, par laquelle tous les chefs et principaux moteurs de l’insurrection s’engagent à sortir du royaume. Mais la fin de cette guerre civile n’est malheureusement pas en même temps la fin des embarras inextricables qui assiégent la cour et le cabinet de Lisbonne. Le ministère qui a soutenu la lutte, et sous les auspices duquel a triomphé la constitution, recule devant sa victoire, par suite de la défiance qu’il semble inspirer à la reine, à une partie de la cour, et au prince Ferdinand. Le nom, l’influence secrète, l’action avouée du ministre anglais à Lisbonne, lord Howard de Walden, se mêlent plus ou moins à ces complications, qui ne sont pas sans danger, et entretiennent l’exaspération du parti dominant contre l’Angleterre. C’est à la fois une situation fort critique pour le Portugal, qui a besoin de vivre en bonne intelligence avec ses anciens alliés, et une source de graves embarras pour l’Angleterre elle-même, dont l’attitude inspire de chimériques espérances aux ennemis des institutions actuelles.

On s’est beaucoup occupé du rôle que M. Bois-le-Comte a joué à Lisbonne dans ces conjonctures difficiles, et le ministère anglais s’en plaint. Avec les plus grands ménagemens possibles pour l’alliance anglaise, M. Bois-le-Comte pouvait-il se conduire autrement ? Toute question de personnes mise à part, pouvait-il cesser de reconnaître comme le légitime gouvernement du Portugal le ministère existant à Lisbonne, marchant d’accord avec les cortès, plein d’égards pour la reine, dont il a toujours fait respecter la personne et la liberté ? Aurait-il fallu que le ministre de France, prenant parti dans une funeste querelle, se mît officiellement en relations avec la régence établie par les maréchaux, sous prétexte que la reine n’était pas libre ? Nous croyons que les deux légations doivent agir de concert autant que possible, et nous désirons que cela soit toujours ; néanmoins il ne faut pas exiger de la France qu’elle renonce à tous ses principes de neutralité, et qu’elle méconnaisse toutes les conditions de sa politique générale dans un intérêt fort équivoque, et pour des chances fort incertaines. Au reste, nous craignons bien que l’Angleterre ne se soit trop avancée pour reculer maintenant devant les dernières conséquences de l’attitude qu’elle a prise, et que tout cela ne finisse par un coup de force qui tranchera la question.

Si le Portugal fait, comme on le voit, une prodigieuse consommation de ministères, l’Espagne ne le lui cède guère sous ce rapport. M. Pio Pita, mi-