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DU PHILOPŒMEN.

leur, la transparence, la vie qui lui sont refusées, modifient singulièrement la forme du modèle humain ; c’est pourquoi la raison conseille au statuaire d’omettre les détails que la forme est inhabile à traduire sans le secours de la couleur et de la transparence. Il n’est permis qu’aux esprits frivoles d’identifier l’art et la réalité ; la différence profonde qui les sépare est, depuis long-temps, une vérité vulgaire pour M. David, et pour tous les artistes qui prennent la sculpture au sérieux. La partie abdominale du torse, sans donner lieu aux mêmes objections que la poitrine, n’est peut-être pas traitée avec assez de simplicité. L’attitude imprimée au modèle justifie certainement les plis du ventre, mais il n’était pas nécessaire d’indiquer avec tant de précision la topographie anatomique des parties latérales et inférieures. Moins de science et plus de simplicité eussent été d’un meilleur effet.

La cuisse et la jambe gauche ne laissent rien à désirer. La jambe porte bien, et les détails ne sont pas trop multipliés ; la force est évidente, et le style est pur. La cuisse droite, celle qui est traversée par le javelot, mérite les mêmes éloges. Le dessin et le mouvement de la jambe droite sont d’une énergique vérité ; mais il me semble que l’espace laissé entre le premier et le second orteil n’est pas nécessaire et donne au pied droit un mauvais aspect. Il eût été possible de conserver l’énergie du mouvement en omettant ce détail mesquin. La partie antérieure des bras est généralement excellente ; il serait difficile d’exprimer la force avec plus d’élégance. Mais je reprocherai à M. David d’avoir trop multiplié les détails réels dans le coude des deux bras ; les plis de la peau, qu’il a cru devoir traduire fidèlement, me semblent très inutiles et nuisent à l’effet général. Ici, comme pour la poitrine, le goût conseillait impérieusement la simplicité. M. David, en cédant au désir de reproduire la réalité, a troublé l’harmonie de son œuvre.

L’avis que j’exprime sera, je crois, partagé par les admirateurs les plus sincères de M. David. Personne ne voudra contester le mérite éminent du Philopœmen ; mais les ennemis les plus résolus de la couleur locale regretteront que l’auteur, par amour pour la sculpture du nu, ait négligé plusieurs détails historiques, dont l’art pouvait très bien s’accommoder. Sans exagérer la valeur de ce reproche, ils croiront que le devoir de M. David était de concilier la vérité humaine et la réalité de l’histoire. Ils s’accorderont à louer la science et l’habileté qui se révèlent dans toutes les parties du Philopœmen, mais ils penseront, comme nous, que plusieurs détails, utiles à con-