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mation, de l’ardeur et de la souffrance. Les narines dilatées, les lèvres palpitantes, retracent énergiquement ce qui se passe dans l’ame du héros. On sait que Philopœmen ne fut jamais célèbre pour sa beauté ; M. David a donc bien fait de ne pas prêter à son modèle une élégance inutile. Il a cru pouvoir se priver de cette ressource vulgaire, et il a eu raison. Peut-être serait-il permis de lui reprocher, sans injustice, l’âge qu’il a donné à sa figure. Philopœmen est mort à soixante-dix ans, mais le moment choisi par M. David se rapporte aux débuts militaires de Philopœmen ; car le général achéen n’avait que trente ans à la bataille de Sellasie, et n’avait pas encore pris le commandement en chef de l’armée. Je m’explique facilement pourquoi le statuaire a vieilli son modèle ; mais cette explication, qui se présente naturellement, décèle chez l’auteur une injuste défiance. Il a voulu évidemment se donner le plaisir et la gloire de chercher dans le marbre la chair d’un vieillard ; il a craint, en laissant à son modèle l’âge viril que lui donne l’histoire, de demeurer trop loin des monumens de l’art grec. Il a violé la chronologie pour donner à son œuvre l’attrait de la nouveauté, pour présenter le modèle humain sous un aspect que l’art grec s’est rarement proposé. À notre avis cette pusillanimité doit être blâmée d’autant plus sévèrement que le style adopté par M. David pour toutes les parties de sa figure s’éloigne absolument de l’art antique. Si l’on cherchait dans l’histoire de la sculpture un homme dont les ouvrages rappelassent le style du Philopœmen, le nom de Puget se présenterait sur-le-champ à la mémoire ; car entre le Philopœmen et le Milon il y a une évidente parenté. Il eût donc été facile à M. David de respecter l’âge viril de son modèle, et de traiter cette donnée d’une façon originale. En donnant au général achéen cinquante ans au lieu de trente, il a été nouveau comme il le voulait, mais il a diminué la gloire du succès en diminuant le nombre des points de comparaison. Les épaules et la poitrine sont pleines de vie et de puissance, et seul entre tous les statuaires contemporains, M. David pouvait les traiter avec une telle largeur ; cependant le goût conseillait, je crois, d’omettre, ou du moins de combler partiellement les fossettes claviculaires, et de donner aux chairs de la poitrine plus de fermeté. La réalité, je le sais, donne à peu près constamment ce que M. David nous montre, mais le devoir du sculpteur n’est pas et ne sera jamais d’adopter la réalité tout entière. Pour lutter avec la nature vivante, il ne faut pas oublier les élémens dont l’art dispose ; or, le ciseau n’a que la forme à pétrir, c’est à la forme seule qu’il emprunte ses moyens d’action. La cou-