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DU PHILOPŒMEN.

Le Philopœmen de M. David est assurément la meilleure de toutes les statues nouvelles placées aux Tuileries. Il y a dans le Phidias et le Prométhée des morceaux excellens ; mais la figure de Philopœmen, envisagée sous le double rapport de la composition et de l’exécution, est un ouvrage plus harmonieux et plus logique. Le moment choisi par M. David est la bataille de Sellasie où Philopœmen, blessé dangereusement, retire de sa cuisse un javelot que personne n’osait arracher. Plutarque dit formellement que les deux cuisses de Philopœmen furent traversées, et que le guerrier mégalopolitain brisa d’abord le javelot en deux morceaux par la violence de ses mouvemens, et retira séparément les deux tronçons ; mais je conçois très bien que M. David n’ait pas suivi la version de Plutarque, car il eût été difficile, dans un morceau ronde bosse, de trouver, pour cette double blessure et pour les mouvemens convulsifs de Philopœmen, un ensemble de lignes heureuses ; le respect littéral du texte grec n’eût été qu’une puérilité. Il est vraisemblable que M. David a voulu exprimer le courage militaire ; et si telle a été son intention, le trait cité par Plutarque n’a pas besoin d’être scrupuleusement traduit pour exciter notre admiration et notre sympathie. L’omission d’un détail sans importance ne peut inquiéter que les archéologues et ne nuit en rien à l’œuvre du sculpteur. À mon avis, la mort de Philopœmen offre plus d’intérêt que le trait choisi par M. David ; le guerrier septuagénaire qui, avant de boire la ciguë que lui envoie le vainqueur, s’informe du sort des cavaliers qui l’ont abandonné, et qui, en apprenant qu’ils sont sauvés, remercie le bourreau de cette bonne nouvelle, est plus grand que le guerrier de trente ans qui surmonte la douleur pour retourner au combat ; mais ce glorieux épisode ne convient qu’au bas-relief, et M. David ne pouvait le traiter dans les conditions qui lui étaient imposées. Le sujet qu’il a choisi exige l’expression de trois sentimens, le courage, la souffrance et l’enthousiasme. Si ces trois sentimens sont nettement exprimés, quelle que soit l’ordonnance des lignes, quel que soit le style des morceaux, le statuaire peut s’applaudir, et aux yeux du plus grand nombre son œuvre est complète. Or, nous nous plaisons à reconnaître que le Philopœmen de M. David exprime clairement le courage, la souffrance et l’enthousiasme. La douleur est empreinte sur le visage ; mais la tête tournée vers le ciel révèle chez le héros une pieuse espérance, une belliqueuse ardeur ; quant au courage, il est écrit en caractères éclatans dans la contraction de la main gauche qui serre la cuisse blessée, tandis que la main droite arrache le javelot. Ainsi M. David